Après une sécheresse historique cet été et un hiver tout aussi sec, le mois de mars démarre avec des averses prévues sur une grande partie de la France. Une bonne nouvelle, alors que l’inquiétude d’un nouvel été sans eau grandit. Mais ces pluies ne seront certainement pas suffisantes pour compenser la situation actuelle.
L’hiver a été sec, très sec. Les mois de décembre, janvier et février ont été marqués par un déficit de pluie et de neige, a confirmé Météo France lundi 6 mars, dans son bilan hivernal. De quoi renforcer les craintes d’un nouvel été marqué par la sécheresse.
En prévision, le gouvernement affirme vouloir se préparer. Depuis mi-février, quatre départements – l’Ain, les Pyrénées-Orientales, le Var et les Bouches-du-Rhône – sont déjà soumis à des restrictions sur l’usage de l’eau. Il est interdit d’arroser sa pelouse, de remplir sa piscine ou encore d’irriguer les cultures. Des mesures « d’anticipation » pour éviter « d’éventuelles situations de crise », fait valoir le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.
Mais mardi, la pluie revient enfin, salue l’organisme météorologique dans son bulletin quotidien. Une trêve salutaire qui pourrait laisser espérer un renversement de la situation. « S’il pleut comme il pleut d’habitude régulièrement au printemps, nous n’aurons pas de difficultés puisque nous n’aurons pas besoin de prélever dans les nappes ou dans les cours d’eau », a ainsi voulu rassurer Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, le 27 février dernier.
Pour Simon Mittelberger, climatologue à Météo France, ces précipitations seront en effet bienvenues et permettront d' »humidifier » les sols. Elles resteront cependant insuffisantes pour recharger des nappes souterraines taries par l’accumulation d’épisodes secs, été comme hiver.
France 24 : Quelle est la situation actuelle ?
Simon Mittelberger : Depuis le mois de septembre, nous sommes sur un déficit de 18 % de la pluviométrie en France. Et février s’inscrit dans cette tendance globale avec cette séquence record de 32 jours sans pluie. Le déficit des précipitations atteint 75 %.
Avec cet hiver très doux et très sec, qui fait suite à la sécheresse de l’été 2022, l’état des sols est très inquiétant. Concrètement, aujourd’hui, nous sommes dans la situation qu’on rencontre normalement au milieu du mois d’avril.
Il y a cependant de fortes disparités entre les territoires. Dans le sud-ouest de la France, par exemple, nous sommes dans une situation quasi proche de la normale car les sols ont pu bénéficier d’importantes précipitations fin janvier. En revanche, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Occitanie, les sols n’ont jamais été aussi secs à cette période de l’année. Nous sommes proches de ce qu’on rencontre habituellement au mois de mai.
Le retour des précipitations en ce début du mois de mars peut-il suffire à améliorer la situation ?
De la pluie va effectivement arriver dans les deux tiers nord de la France et dans le Sud-Ouest à partir de mardi et c’est une bonne nouvelle. Surtout que le mois de mars est crucial car c’est en quelque sorte le dernier moment pour la recharge des nappes phréatiques.
Normalement, la période entre septembre et mars est la « période de recharge », c’est-à-dire que les précipitations permettent de réalimenter en eau les nappes souterraines. Passée cette date, avec l’arrivée du printemps, c’est trop tard : les températures grimpent augmentant l’évaporation des précipitations et la végétation repart et vient puiser l’eau dans le sol pour se développer.
Les pluies qui tombent ne peuvent donc plus rentrer suffisamment en profondeur pour atteindre les nappes souterraines.
Par ailleurs, on est parti de réserves en eau tellement basses, après la sécheresse de l’été 2022, qu’il aurait fallu un hiver nettement excédentaire en précipitation pour recharger entièrement les nappes. Ces pluies du mois de mars seront donc bénéfiques car elles vont permettre de réhumidifier les sols mais elles ne seront pas suffisantes pour reconstituer entièrement les stocks.
[NDLR : De début septembre au 2 mars, il est tombé en France l’équivalent de 435,1 millimètres de précipitations – la normale saisonnière étant de 583,7 millimètres. Il faudrait ainsi, que d’ici au 31 mars, il tombe au minimum 150 millimètres de pluie dans le pays. La normale pour un mois de mars est de 50 mm, note Météo France]
Concrètement, à quoi faut-il s’attendre pour le printemps et l’été ?
Actuellement, nous n’avons aucune tendance significative pour la météo des trois prochains mois. Selon notre dernier bilan, le scénario tend plutôt à un printemps plus chaud que la normale, mais nous ne parvenons pas à modéliser une tendance concernant les précipitations.
En théorie, oui, la situation peut donc encore s’améliorer si les prochaines semaines sont particulièrement pluvieuses. On a eu le cas en 2012, par exemple, où le mois d’avril a été deux fois plus pluvieux que la normale, ce qui a permis d’éviter une sécheresse estivale. Idéalement, il faudrait d’ailleurs que ce soit des précipitations modérées qui s’étaleraient sur plusieurs jours pour que l’eau ait le temps de pénétrer dans la terre.
Et s’il pleut, les agriculteurs ne seront pas obligés d’irriguer leurs cultures et donc de puiser dans les réserves d’eau. En revanche, dans le cas contraire, on sera obligés de puiser dans les nappes. Et c’est vraiment le niveau de cette réserve d’eau qui reste aujourd’hui inquiétante.
FRANCE24