La synthèse de neuf années de travaux du Giec sur le climat sonne lundi 20 mars comme un rappel brutal de la nécessité pour l’humanité d’enfin agir radicalement au cours de cette décennie. Ceci pour s’assurer « un futur vivable ».
« Nous avons le savoir-faire, la technologie, les outils, les ressources financières et tout ce dont on a besoin pour surmonter les problèmes climatiques que nous avons identifiés » mais « ce qui manque pour l’instant, c’est une volonté politique forte afin de les résoudre une fois pour toutes », juge l’économiste coréen.
Ce consensus scientifique du Giec sera la base factuelle d’intenses tractations politiques et économiques au cours des prochaines années. A commencer par le sommet climat de l’ONU en décembre à Dubaï, la COP28, où un premier bilan des efforts de chaque pays dans le cadre de l’accord de Paris sera dévoilé et où l’avenir des énergies fossiles sera âprement négocié.
Au cours des longues sessions de discussion du Giec en Suisse durant le week-end, les négociateurs d’Arabie Saoudite se sont battus pour diluer les phrases sur le rôle central des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). La place accordée dans le « résumé pour les décideurs » de 36 pages à la légitimité des technologies de captage du CO2, porte leur marque, selon certains observateurs, qui y voient de potentiels « permis de brûler ».
Le réchauffement atteindra 1,5°C dès 2030-2035
Le réchauffement climatique atteindra 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle dès les années 2030-2035, prévient le Giec, alors que la température a déjà grimpé de près de 1,2°C en moyenne. Cette projection est valable dans presque tous les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre de l’humanité à court terme, compte tenu de leur accumulation depuis un siècle et demi.
Les émissions de CO2 qui émaneraient des infrastructures fossiles existantes, si elles ne sont pas équipées de moyens de captage, suffiraient à elles seules à faire basculer le monde vers les 1,5°C.
Mais « des réductions profondes, rapides et prolongées des émissions (…) conduiraient à un ralentissement visible du réchauffement mondial en environ deux décennies », écrit aussi le groupe de scientifiques pour le compte de l’ONU.
« Ce rapport de synthèse souligne l’urgence à prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons toujours assurer un futur vivable pour tous », insiste le président du Giec, Hoesung Lee.
Les impacts plus graves qu’estimé auparavant
« Pour tout niveau de réchauffement futur, de nombreux risques associés au climat sont plus élevés que ce qui avait été estimé » dans le précédent rapport de synthèse de 2014, écrivent les scientifiques. Ils s’appuient sur la multiplication observée récemment des événements météo extrêmes comme les canicules, et de nouvelles connaissances scientifiques, par exemple sur les coraux.
« En raison de la montée inévitable du niveau des océans, les risques pour les écosystème côtiers, les personnes et les infrastructures continueront à augmenter au-delà de 2100 », soulignent-ils aussi. La question des « pertes et dommages » causés par le réchauffement et déjà subis par certains pays, en particulier les plus pauvres, sera l’un des sujets de discussion à la COP28.
« La justice climatique est cruciale car ceux qui ont contribué le moins au changement climatique sont affectés de manière disproportionnée », souligne Aditi Mukherji, l’une des auteurs de la synthèse.
Les années chaudes d’aujourd’hui parmi les plus fraîches dans une génération
« Les années les plus chaudes que nous avons vécues jusqu’à présent seront parmi les plus fraîches d’ici une génération », résume pour l’AFP Friederike Otto, co-autrice de la synthèse, qui représente cette réalité par un graphique coloré de rouge plus ou moins foncé.
« Certaines choses sont plus faciles à faire accepter aux gouvernements lorsque c’est dans les infographies » plutôt qu’explicitement dans le texte, explique-t-elle. Les huit dernières années ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées au niveau mondial. À l’avenir, elles compteront donc parmi les plus fraîches du siècle, quels que soient les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre.
Ce constat souligne la nécessité de mener de front les efforts d’adaptation au changement climatique et ceux de réduction des émissions pour ne pas l’aggraver encore plus.
Cela coûte moins cher d’investir que de subir
« Les bénéfices économiques et sociaux d’une limitation du réchauffement climatique à 2°C dépassent le coût des mesures à mettre en place », assurent encore les experts. Mais toute procrastination supplémentaire élèverait la marche à franchir, note le Giec, alors que le monde bénéficie déjà des rapides progrès des énergies renouvelables.
Outre l’effet sur le climat, des efforts accélérés et soutenus « apporteraient de nombreux avantages connexes, en particulier pour la qualité de l’air et la santé », écrivent les scientifiques, qui ne cachent pas le prix à payer : « à court terme, les actions impliquent des investissements de départ élevés et des changements potentiellement radicaux ».
TV5