Chine: pourquoi le Honduras n’a-t-il d’autre choix que de rompre avec Taïwan?

Ils ne sont plus que treize pays à reconnaître officiellement la République de Chine, nom officiel de Taïwan. Le Honduras vient officiellement de rompre tout lien diplomatique, après 82 ans de relations, pour se tourner vers Pékin. Une nouvelle victoire pour le régime communiste, qui mène depuis plusieurs années une stratégique d’isolation diplomatique de l’archipel, une « province rebelle » à ses yeux.

Taïwan vient de perdre un nouvel allié latino-américain : le Honduras. Un tweet du porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, accompagné d’une photo, a marqué ce moment d’officialisation des relations avec Pékin. Avec le commentaire suivant : « Il s’agit d’un choix judicieux, conforme à la tendance actuelle. »

Tegucigalpa rejoint l’immense majorité des capitales du monde (182 désormais) ayant décidé de choisir Pékin plutôt que Taipei. C’est le résultat d’une politique agressive de la Chine qui, outre les pressions économiques et militaires, vise à isoler sur le plan diplomatique Taïwan, qu’elle considère comme une province rebelle.

À peine l’officialisation était lancée, que Pékin envoyait une invitation officielle pour une visite d’État à la présidente hondurienne. Et la Chine, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Qin Gang, de lancer un avertissement au gouvernement taïwanais quant à sa promotion du séparatisme, vouée à l’impasse.

La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a, de son côté, dénoncé les « coercitions et intimidations », ainsi que les promesses financières, les « amabilités économiques » de la Chine. Depuis l’arrivée au pouvoir, en 2016, de cette dirigeante plutôt favorable à l’indépendance, le Honduras est le 9e pays à tourner le dos à Taipei.

« Taïwan, à terme, n’aura quasiment plus de relations diplomatiques »
« Nous avons une pression continue et des pays qui, les uns après les autres, établissent des relations avec Pékin et les rompent avec Taipei, confirme Antoine Bondaz, directeur du programme Taïwan à la Fondation pour la recherche stratégique. Notamment dans le Pacifique, mais aussi en Amérique et même en Afrique. »

Et l’enseignant à Science Po de rappeler que l’État de São Tomé-et-Principe a aussi, à titre d’exemple, choisi de considérer la République populaire comme l’émanation de la Chine plutôt que la République de Chine. « Une tendance de fond », selon le chercheur, avec une conséquence probable : « Taïwan, à terme, n’aura quasiment plus de relations diplomatiques. »

Ne pas avoir de relations diplomatiques ne signifie pas ne pas être un État, prévient-il. Ne pas faire partie de l’ONU non plus. En fait, aujourd’hui, l’archipel mise avant tout sur « le développement et l’approfondissement des coopérations concrètes plus que sur l’aspect symbolique des relations diplomatiques ».

On le voit tous les jours, par exemple entre les États européens et Taïwan : les coopérations s’approfondissent, les coopérations se multiplient. En témoigne par exemple la visite de la ministre de l’Éducation et de la Recherche allemande à Taipei, c’était il y a seulement quelques jours.

On peut comprendre le choix de nombreux petits pays sur ce sujet, ajoute Antoine Bondaz. Les États qui ont encore aujourd’hui des relations diplomatiques avec Taïwan sont en effet, rappelle-t-il, « généralement des petits États, insulaires des Caraïbes, insulaires du Pacifique, ou alors d’Amérique centrale ».

« Quand ils font le choix entre notamment les bénéfices économiques et commerciaux d’établir des relations avec Pékin, plutôt que de les maintenir avec Taipei, c’est généralement vite fait. Sur ce terrain-là, Taïwan n’a pas, entre guillemets, les « marges de manœuvre » aujourd’hui ou le poids politique pour tenir tête à la Chine. »

Il est somme toute relativement logique, conclut M. Bondaz, pour les pays de la communauté internationale, d’avoir des relations diplomatiques avec un des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la deuxième économique mondiale et une puissance majeure, grandissante, sur la scène internationale.

Il est difficile aujourd’hui de reprocher au Honduras, ou hier aux îles Salomon ou aux îles Kiribati, d’avoir rétabli des relations diplomatiques avec la République populaire, alors même que les démocraties occidentales l’ont fait dans les années 1960 ou dans les années 1970.

À noter que l’annonce du jour intervient alors que la présidente taïwanaise doit entamer, mercredi, une tournée en Amérique centrale. Tsai Ing-wen doit visiter deux pays encore alliés : le Belize et le Guatemala, avant un arrêt probable aux États-Unis. Une tournée déterminante pour la diplomatie de Taipei, plus que jamais isolée.

Ce changement d’alliance n’est pas une surprise. Dès sa campagne électorale, la présidente Xiomara Castro avait fait savoir qu’elle souhaitait établir des relations officielles avec la République populaire de Chine.

Le 14 mars dernier, elle avait confié cette mission à son ministre des Affaires étrangères Eduardo Reina, dont le voyage à Beijing a provoqué jeudi dernier le rappel de l’ambassadeur taïwanais au Honduras.

Au-delà de ses conséquences diplomatiques, cette décision est aussi financière. Selon Eduardo Reina, le Honduras avait demandé à Taipei de développer des relations « plus importantes, conformes aux grands besoins du peuple hondurien », des besoins « énormes », a-t-il précisé le 15 mars à une télévision locale.

Et visiblement, le portefeuille de Beijing est mieux rempli que celui de Taipei qui, selon le ministre hondurien des Affaires étrangères, aurait refusé d’augmenter son aide.

Les autorités taïwanaises ont exprimé leur « profond mécontentement », et indiqué que la présidente Castro et son gouvernement « se font des illusions sur la Chine », tout en ignorant « plus de 80 ans d’amitié » entre les deux pays.

En Amérique latine, Taïwan n’a donc plus de liens officiels qu’avec le Guatemala, le Belize, mais aussi le Paraguay. Taipei combat cela dit la campagne d’isolement diplomatique menée par la Chine en maintenant des liens informels et commerciaux solides avec de nombreux pays de la région.

RFI

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