Attendue par tous, la réouverture des commerces dits « non essentiels » et des terrasses de bars et restaurants a drainé la foule des grands jours. Les chiffres d’affaires anémiques ou réduits à néant pendant le confinement et une prévisible frénésie de consommation ont-ils poussé à la hausse des prix ? Reportage à Aix-en-Provence.
Ce 19 mai, à Aix-en-Provence, la météo si capricieuse ces derniers jours a pris le parti des commerçants. Dans les rues et places bondées comme un premier jour de soldes, la réouverture des boutiques, restaurants et débits de boissons a des airs de libération, fut-elle consumériste : comme partout en France, les files d’attente s’allongent devant les enseignes d’habillement, de décorations ou de cosmétiques, tandis que les terrasses ensoleillées, remplies dès le matin par les amateurs de café, puis dès midi pour les restaurants, resteront pleines jusqu’au couvre-feu, décalé à 21 heures et péniblement respecté.
« Aujourd’hui, je ne regarde pas la dépense », trépigne Louise, trentenaire qui s’est accordée un jour de congé consacré au lèche-vitrine entrecoupé d’un déjeuner, d’un thé et conclu par un dîner.
DÉJÀ UNE HAUSSE EN 2020
La dépense, justement, pourrait être plus lourde que prévu : après les deux précédents confinements, l’association UFC-Que Choisir avait observé une succession de hausses sur divers produits, confirmée par une enquête de l’Organisation internationale du travail (OIT) : « En août 2020, les prix de tous les biens et services étaient en moyenne 2,7 % plus élevés qu’en août 2019 », notait l’OIT, qui pointait également des « denrées alimentaires en moyenne 5,5 % plus chères qu’en août 2019 ». Qu’en est-il de ces boutiques et établissements contraints de baisser le rideau depuis si longtemps ? Leurs propriétaires et gérants ont-ils augmenté les prix et, ce faisant, accru une marge entamée par les jauges sanitaires limitant l’accès à leurs commerces ?
« Hors de question », nous répond Caroline, codirectrice de l’Edykos, un restaurant dont la terrasse a, comme chez ses confrères, perdu 50 % de sa capacité. « On a repris les cartes telles qu’elles étaient, sans rien y changer, s’empresse-t-elle de répondre à Marianne. Tout le monde veut retrouver la vie d’avant, ce qui implique de pratiquer les prix d’avant ! » Thomas Sauret, qui a investi ses économies pour lancer avant le deuxième confinement le Little Bro’, un concept de sandwicherie artisanale, est sur la même ligne : « Les prix n’ont pas bougé d’un centime, assure-t-il. Ce n’est pas aux clients de payer pour nos pertes, mais on espère que des volumes plus importants compenseront. »
« C’EST UNE QUESTION DE SOLIDARITÉ »
Chez la minorité de ceux qui ont fait un choix inverse, le sujet est presque tabou, même si l’on parle en général de plats du jour en hausse de 1 euro ou de menus arrondis à la décimale supérieure. « Impossible de faire autrement », maugrée un serveur dont le patron n’a pas perçu le moindre salaire en six mois. Il suffit pourtant d’observer l’affluence pour constater que personne ne s’en plaint. Pour les clients, le soutien paraît de rigueur : « C’est une question de solidarité », s’exclame, en chœur, une tablée de six convives. Marie, trop heureuse de retrouver son petit café en terrasse sur le chemin du travail, va dans le même sens : « Ça me coûte 1,90 € au lieu de 1,80 €. J’ai calculé : 2,50 € par mois… Pas de quoi en faire un plat ! »
Qu’en est-il des autres commerces ? Au cinéma Le Cézanne, associé au groupe Gaumont-Pathé, le ticket est passé de 11,30 € à 11,60 €. « En 2018, la séance était à 10,90 €. C’est même moins que l’évolution normale des tarifs, qui aurait dû survenir en décembre », explique un employé. Dans la file d’attente, les cinéphiles en joie n’y voient aucun inconvénient.
« IL NE FAUT PAS SE LEURRER, ÇA VA MONTER »
Quid des grandes enseignes d’habillement ou de décoration adeptes du « made in China » ? « Je connais bien la gamme de mes boutiques préférées, et les prix sont les mêmes », nous répond Léa, étudiante en virée shopping avec trois copines. « Ça avait déjà augmenté l’année dernière, il ne faut pas pousser ! », enchaîne l’une d’elles. Statu quo, donc. Du côté des boutiques indépendantes, la tendance est aussi à la stabilité, voire à la baisse, comme en témoignent les affiches annonçant des promotions de 20 %, 30 % et parfois 50 %. Reste que, de l’avis de tous, cette retenue tarifaire n’est qu’un sursis.
« Il ne faut pas se leurrer, ça va monter, nous glisse Matthieu, professionnel de la restauration depuis une quinzaine d’années. Entre les Prêts garantis par l’État, les travaux qu’on a faits et la trésorerie qui a fondu, on n’aura pas le choix. » Chez Culinarion, spécialisé dans la vente d’ustensiles de cuisine, le message est clair : « Pour l’instant, les tarifs n’ont pas bougé, mais les fabricants qui produisent en France ou en Italie nous ont fait part de leurs difficultés pour trouver des aciers de qualité. En clair, il faut s’attendre à une hausse des prix dans quelques mois. » Cette hausse, flirtant parfois avec les 50 % pour le matériel de bricolage ou de chantier après le premier confinement, touche en effet de façon étendue les matières premières, textiles comme alimentaires. En toute logique, celle-ci devrait se répercuter sur les consommateurs.
Source: marianne.net
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