En soutien constant de l’Ukraine depuis que la Russie l’a envahie en février 2022, l’Occident se distingue par la « mollesse » de ses réactions face à d’autres violations majeures de droits humains, fustige Amnesty international. L’ONG dénonce ce « deux poids, deux mesures » dans un rapport publié ce 28 mars
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a « dévoilé au grand jour l’hypocrisie des États occidentaux, qui ont réagi avec force à l’agression russe mais ont fermé les yeux sur de graves violations commises ailleurs, voire en ont été complices », déplore l’ONG dans son rapport annuel.
Répondant à TV5MONDE, Agnès Callamard souligne comment les frontières européennes se sont ouvertes aux réfugiés ukrainiens, ce qui est très bien, mais restent closes « aux Palestiniens, aux Éthiopiens, aux Égyptiens. »
La réponse à ce qui s’est passé à l’agression russe contre le peuple ukrainien, c’est une réponse formidable. C’est une réponse qui devrait être un modèle pour les autres crises présentes et futures.
Amnesty épingle le « silence assourdissant » entourant l’Arabie saoudite, où selon l’ONG, la justice a notamment prononcé la peine de mort lors de procès « à l’iniquité flagrante » et des manifestants pacifiques ont été « condamnés à de longues peines de prison » – ou l’Égypte, où des milliers d’opposants au régime « demeurent détenus arbitrairement et/ou poursuivis injustement ».
« La réponse à ce qui s’est passé à l’agression russe contre le peuple ukrainien, c’est une réponse formidable. C’est une réponse qui devrait être un modèle pour les autres crises présentes et futures », a réagi Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty, interrogée par l’AFP.
Mais « en négligeant les autres crises, on amoindrit la valeur de ce qui a été fait en Ukraine », a-t-elle poursuivi, son organisation se désolant que l’Occident ait « toléré » des « actes d’agression similaires dans d’autres pays« , « uniquement parce que ses intérêts sont en jeu« .
« des portes fermées »
En Israël, les gouvernements l’an passé ont ainsi « déployé des mesures contraignant toujours plus de Palestiniens à partir de chez eux, développant des colonies illégales et légalisant les implantations » en Cisjordanie occupée, mais nombre de gouvernements occidentaux « ont préféré s’en prendre à ceux qui dénonçaient l’apartheid », regrette Amnesty.
En Éthiopie, l’ONG critique « les réponses pitoyables » face à « l’un des conflits les plus meurtriers de l’histoire récente », qui aurait fait 500.000 morts, selon les États-Unis.
Signaux contradictoires toujours, les portes de l’Union européenne, « grandes ouvertes pour accueillir les réfugiés ukrainiens », sont restées « fermées » pour les personnes fuyant l’Afghanistan ou la Syrie, a regretté Amnesty.
Les États-Unis, qui ont accueilli des dizaines de milliers d’Ukrainiens, ont entre septembre 2021 et mai 2022 « expulsé plus de 25.000 Haïtiens, souvent après les avoir placés en détention et soumis nombre d’entre eux à la torture », s’est indignée Agnès Callamard.
Une approche « sélective »
L’approche « sélective et intéressée » des droits fondamentaux par l’Occident a également conforté dans leurs agissements d’autres pays critiqués pour leur violations des droits de l’Homme, notamment la Chine, où la « répression systématique des minorités ethniques du Xinjiang et du Tibet s’est poursuivie », et le « gouvernement de Hong Kong a continué de réprimer le mouvement de lutte pour la démocratie », d’après l’ONG.
La guerre en Ukraine a enfin détourné « non seulement des ressources, mais également l’attention de la crise climatique », alors que les catastrophes liées au réchauffement paraissent « hors de contrôle » et que les dirigeants mondiaux ont échoué à s’accorder sur les mesures visant à limiter la hausse des températures sous le seuil des 1,5°C.
L’année 2022 a globalement connu une « détérioration des droits civils et politiques », ceux-ci subissant une « répression » dans certains pays occidentaux comme la France, où Agnès Callamard pointe « un exercice illégal de la force » par policiers et gendarmes contre des manifestants.
Grand Angle : la France est pointée du doigt dans le nouveau rapport d'Amnesty International concernant la violence des forces de l'ordre à l'égard des manifestants.
Explications avec Agnès Callamard, Secrétaire générale d'Amnesty International pic.twitter.com/XZLhAvJKpj— TV5MONDE Info (@TV5MONDEINFO) March 28, 2023
Les droits des femmes
Les droits des femmes ont, eux, vécu « un tournant pour le pire ». Notamment en Iran, où certaines ont été tuées « pour avoir dansé, chanté, pour ne pas avoir porté de voile », en Afghanistan, où elles ont été « transformées en objet » depuis la prise de pouvoir des talibans, et même aux États-Unis, où l’accès à l’avortement est à présent pour beaucoup remis en question, constate l’ONG.
AFP