L’ADN de Beethoven cachait un étonnant secret de famille

Près de deux siècles après sa mort, Ludwig van Beethoven continue de susciter un vif intérêt chez les historiens modernes. Des chercheurs sont tombés sur un étonnant secret de famille.

Près de deux siècles après sa mort, Ludwig van Beethoven reste encore l’une des figures les plus éminentes de notre patrimoine artistique. Ce compositeur de génie continue de susciter un vif intérêt chez les historiens modernes, en particulier chez nos voisins germaniques. Récemment, ce sont des chercheurs du très prestigieux Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, à Leipzig, qui ont à nouveau tenté de démêler les fils de son histoire. Et s’ils n’ont pas entièrement atteint leur objectif, ils sont tout de même tombés sur un étonnant secret de famille.

À l’origine, les auteurs de ces travaux s’intéressaient à la santé de l’illustre musicien. En effet, l’auteur de la légendaire Sonate au Clair de Lune a notoirement souffert d’une perte progressive de l’ouïe. Sa maladie a fini par le rendre complètement sourd à partir de 1818, le forçant à renoncer à la pratique du piano qu’il affectionnait tant.

Si sa surdité est aujourd’hui bien documentée, il reste de nombreuses zones d’ombre sur l’origine de cette affliction. Les chercheurs du Max Planck Institute espéraient en trouver l’origine précise directement dans son patrimoine génétique, en travaillant sur l’ADN contenu dans plusieurs mèches de cheveux.

Un puzzle biochimique complexe

Ils ont dû commencer par collecter et authentifier plusieurs échantillons de ce genre. Il s’agit évidemment d’objets historiques rares, précieux et sujets à la contrefaçon, ce qui complexifie grandement le processus. Au total, les chercheurs n’ont identifié que cinq touffes de cheveux « presque certainement authentiques ».

Ils ont ensuite dû procéder à un séquençage génétique. Et là encore, ce n’était pas chose aisée. Le problème, c’est que le principal réservoir d’ADN des cheveux se trouve au niveau des racines. Or, ces dernières se dégradent rapidement au cours du temps. Et il était donc impossible de les exploiter dans le cadre de ces travaux.

une mèche de cheveux ayant appartenu à Beethoven
Une mèche de cheveux ayant appartenu à Ludwig van Beethoven. 

 

 

Les chercheurs ont donc dû trouver un moyen de travailler avec les fragments d’ADN courts et dégradés qui résident dans le cheveu lui-même.

Pour reconstituer le génome de Beethoven, ils se sont appuyés sur de nouveaux outils logiciels ultraspécialisés qui essaient tant bien que mal de reconstituer cet immense puzzle moléculaire.

Plusieurs pistes, mais aucune certitude

À cause de la complexité du processus, l’analyse n’a pas été entièrement concluante. Aucun facteur génétique identifiable n’a permis d’expliquer à lui seul les problèmes dont souffrait le compositeur. « Nous n’avons pas réussi à trouver une cause définitive à la surdité de Beethoven », résume Johannes Krause, chercheur au Max Planck Institute et auteur principal de l’étude.

En revanche, en poussant ces travaux plus loin, ils ont tout de même trouvé plusieurs éléments de réponse très intéressants. Pour commencer, ils ont déterminé que Beethoven souffrait d’une prédisposition génétique à une maladie du foie. L’étude des échantillons a aussi suggéré qu’il était atteint d’une hépatite B durant les mois qui ont précédé sa mort, ce qui semble cohérent avec son penchant bien documenté pour la boisson.

« Entre sa prédisposition génétique et sa consommation d’alcool largement reconnue, il s’agit d’explications plausibles aux graves maladies du foie qui ont conduit à la mort de Beethoven », estiment les auteurs.

La piste du saturnisme remise en question

Ils ont aussi étudié une autre piste populaire. En effet, de précédents travaux expliquaient avoir trouvé des traces de plomb dans d’autres échantillons de cheveux. Cela pointe vers une intoxication connue sous le nom de saturnisme.

C’était un mal assez fréquent à l’époque où la formidable toxicité du plomb n’était pas encore identifiée, et cette situation peut en effet conduire à une surdité complète. Le problème, c’est que les cheveux utilisés lors de cette étude appartenaient… à une femme ! Ils ne provenaient absolument pas de Beethoven. En résumé, ces travaux ne permettent pas non plus de confirmer ou d’invalider l’hypothèse du saturnisme.

Les anthropologues sont habitués à ces déconvenues ; il s’agit d’une discipline un peu ingrate, car il faut souvent fournir une quantité de travail pharaonique sans garantie d’arriver à un résultat exploitable. Mais au moins, cette fois, ils ont pu se consoler avec une découverte aussi insolite qu’inattendue, bien cachée dans le patrimoine génétique du génie.

Une étrange bifurcation de l’arbre généalogique

En effet, dans le cadre du processus d’authentification, les chercheurs ont aussi analysé des échantillons d’ADN de cinq descendants contemporains de Beethoven qui se sont portés volontaires. Tous partageaient des marqueurs communs au niveau du chromosome Y, le marqueur du sexe masculin qui est transmis par le père à sa descendance.

En remontant la trace de ces marqueurs, ils ont identifié l’ancêtre commun de ces cinq personnes. Il s’agit d’Aert van Beethoven, un ancêtre du compositeur qui a vécu de 1535 à 1609. Le problème, c’est que les touffes de cheveu de Ludwig présentaient des différences significatives au niveau du chromosome Y ! Cette incohérence suggère qu’une personne étrangère à la lignée s’est glissée quelque part dans les sept générations qui ont séparé Aert de Ludwig.

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Malheureusement, les chercheurs n’ont pas réussi à identifier précisément de quelle génération il s’agissait. Ils n’ont pas non plus la moindre idée du contexte. Ils se contentent de suggérer que les raisons de ce changement étaient certainement « sociales et légales ». Il pourrait donc s’agir d’une sombre affaire de relation extraconjugale avec naissance d’un enfant illégitime. Mais il est impossible de le vérifier pour le moment.

D’ici à ce que la technique progresse, les auteurs de l’étude vont commencer par publier les résultats de leurs séquençages. Cela permettra à d’autres équipes de recontextualiser ces éléments si de nouvelles informations venaient à émerger.

En attendant, ils ne vont pas s’acharner sur l’illustre compositeur. Dans sa tribune publiée sur The Conversation, le co-auteur Robert Attenborough explique que le fait d’avoir réussi à obtenir des informations à partir d’une source d’ADN si difficile à exploiter va ouvrir de nombreuses portes à son équipe.

Les chercheurs veulent désormais réutiliser cette technique répondre à d’autres questions sur le passé de personnalités importantes. Ils n’ont pas encore identifié leur prochaine cible. Mais il conviendra de guetter leurs futures publications, car elle pourrait contenir des scoops fascinants sur un autre grand nom de l’Histoire.

The Conversation

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