Sang de cochon et venin de serpent, les ingrédients insolites pour prolonger la durée de vie des greffons

Tandis que la demande de transplantation d’organes est croissante, la faible durée de vie des poumons de donneurs limite les possibilités de greffes. Des chercheurs américains ont mis au point une méthode de circulation croisée de sang qui relie le système circulatoire d’un porc vivant aux poumons prélevés sur le donneur, permettant d’augmenter leur viabilité.

Dans une nouvelle étude publiée dans Science Advances, des chercheurs du Vanderbilt University Medical Center (Nashville, États-Unis) expliquent en détail comment ils ont réussi à augmenter la viabilité de greffes de poumons humains, normalement disponibles pendant seulement six heures. Grâce à leur technique mêlant sang de porc et venin de serpent, ils ont maintenu des poumons viables de donneurs pendant au moins 24 heures avant transplantation. La méthode a même rétabli la viabilité de tissus transplantés jugés trop endommagés pour être utilisés, permettant ainsi d’augmenter le nombre de greffes disponibles pour les receveurs.

Augmenter la disponibilité des poumons prélevés

Pour les patients souffrant d’une maladie pulmonaire en phase terminale, la transplantation d’organes reste la thérapie la plus utilisée. Malgré les progrès techniques pour pallier la pénurie d’organes et l’augmentation effective du nombre de transplantations pulmonaires (du moins aux États-Unis), la demande de greffe pulmonaire est croissante. Les chercheurs notent pourtant dans leur étude que seuls 20 à 30 % des poumons prélevés pour une transplantation sont effectivement greffés.

Si la technique de « perfusion pulmonaire ex vivo » s’est imposée pour améliorer la préservation des poumons, la durée d’utilisation des poumons est limitée à six heures. « Ces systèmes isolés de soutien d’un seul organe n’ont pas la capacité de reproduire les processus hématologiques, métaboliques, endocriniens, biochimiques et autres processus homéostatiques complexes qui permettent le soutien à long terme d’un organe ex vivo », écrivent les chercheurs.

La méthode récemment mise au point utilise la circulation croisée de sang entre des porcs vivants et des poumons humains prélevés sur des donneurs. Elle permet non seulement de prolonger la viabilité d’un poumon, mais aussi de favoriser la récupération de poumons de donneurs qui ne pouvaient pas être transplantés en raison de lésions aiguës mais réversibles. Toutefois, les poumons sains conservés dans du sang de porc se sont révélés riches en infiltrats cellulaires et en dépôts d’anticorps de porc, ce qui n’est pas idéal pour le receveur.

Résumé schématique de la méthode de pré-transplantation mise au point. © Wu, Stier, Stokes <em>et al. Science Advances</em> (2023)

RÉSUMÉ SCHÉMATIQUE DE LA MÉTHODE DE PRÉ-TRANSPLANTATION MISE AU POINT. © WU, STIER, STOKES ET AL. 

Du venin de cobra à la rescousse

Les chercheurs américains ont utilisé une protéine contenue dans le venin du Cobra à monocle (Naja kaouthia), mais non toxique, pour neutraliser l’anticorps. Ce facteur du venin de cobra présente l’avantage de rester stable pendant plusieurs heures. Après 24 heures de circulation croisée xénogénique, c’est-à-dire entre deux espèces différentes, les poumons du donneur ont conservé leur architecture globale. En outre, à l’inverse de ce que l’on observe dans les techniques typiques de préservation des greffes, la viabilité globale des poumons pour la transplantation s’est même améliorée au fil du temps.

Les scientifiques visent maintenant à optimiser les résultats trouvés afin d’éviter le problème de l’intrusion des anticorps porcins. Ils proposent trois techniques pour minimiser les interactions immunologiques entre les porcs et les poumons humains : l’immunoréduction par immunosuppression pharmacologique, l’immunomodulation mécanique par modification du circuit et la modification génétique du porc.

futura

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