Fatigue chronique : comment reconnaitre ce syndrome ?

La fatigue chronique se caractérise par un état d’épuisement intense se poursuivant au moins six mois sans raison apparente. Trouble neurologique, musculaire, immunitaire ou encore psychiatrique ? L’origine de ce syndrome qui touche moins d’une personne sur 200, reste mystérieuse. On fait le point. 

Définition : c’est quoi une fatigue chronique ?

La fatigue chronique aussi appelée syndrome de fatigue chronique (SFC) se définit comme un ensemble de symptômes d’épuisement intense et quasi permanent qui apparaissent sans raison apparente ou pathologie sous-jacente : « Le patient est fatigué au point de ne pas pouvoir réaliser les tâches les plus simples du quotidien comme se doucher ou faire ses courses… Lorsque le trouble est sévère, le malade ne peut pas conserver une vie socio-professionnelle et perd parfois son autonomie », selon le docteur Georges Retali, chef de l’unité de neurologie au CHU de Bastia.

Ce syndrome a connu une multitude d’appellations à travers le temps : neurasthénie, syndrome de fatigue post-virale, mononucléose chronique, maladie des yuppies, syndrome du lac Tahoe ou encore encéphalomyélite myalgique (EM). Il est reconnu comme maladie neurologique grave par l’OMS en 1992. En France, l’Assurance maladie répertorie aussi cette maladie. En 2015, l’IOM (ou Institute of Medecine) propose un nouveau nom : Systemic Exertion Intolerance Disease (SEID) (dont la traduction peut être Maladie d’Intolérance Systémique à l’Effortou MISE). L’IOM définit la maladie selon 4 grands critères (source 1) :

  • _une fatigue intense depuis plus de 6 mois
  • _un malaise qui survient après un effort physique ;
  • _un sommeil non-réparateur ;
  • _et au moins l’un des signes suivants :
  • – une altération de la fonction cognitive (c’est-à-dire des fonctions exécutives et visuospatiales mais aussi de la mémoire, de l’attention et de la cognition sociale) ;
  • – une intolérance à l’orthostatisme c’est-à-dire à la position debout.

Un grand nombre de manifestations peuvent s’ajouter comme des troubles du sommeil, du rythme cardiaque mais aussi des symptômes musculaires (douleurs), neurologiques, respiratoires, ORL, urino-génitaux, intestinaux…

Une maladie méconnue sans traitement spécifique

« Aucun marqueur sanguin, ni aucun examen d’imagerie ne permettent d’établir le diagnostic. Un examen clinique et l’absence de pathologie sous-jacente finissent généralement par orienter vers le SFC », selon l’expert.

La maladie est tantôt regardée comme un trouble neurologique tantôt comme un trouble psychologique. Il n’est pas rare que la maladie soit soignée en psychiatrie, identifiée comme un état anxio-dépressif. Toutefois, différents travaux orientent vers une origine hormonale, immunitaire, musculaire ou encore toxicologique.

Il n’existe à ce jour aucun traitement spécifique de la maladie. La prise en charge est symptomatique et multidisciplinaire.

Qui est concerné ?

La prévalence du SFC est d’environ 1 personne sur 600 à 1 personne sur 200 dans les pays industrialisés (source 2). Il ne s’agit donc pas une maladie rare. La maladie affecte préférentiellement l’adulte jeune (entre 20 et 40 ans). Il existe cependant des cas chez les adolescents et les seniors.

L’évolution de la fatigue chronique

L’évolution de ce syndrome est variable. Il peut progresser par cycle avec des périodes de rémission. Avec le temps, il évolue souvent de manière favorable, toutefois, la guérison complète est rare.

Cette fatigue chronique peut entraîner une dépression et elle constitue souvent un handicap au niveau social, familial et professionnel.

Causes : comment expliquer le syndrome (SFC) ?

« Contrairement aux idées reçues, le syndrome de fatigue chronique n’est pas une maladie d’origine neurologique, même si beaucoup des symptômes sont d’ordre neurologique », souligne le praticien. À ce jour, quatre grandes hypothèses sont retenues :

La piste immunitaire

Selon certains scientifiques, le syndrome de fatigue chronique serait lié à une modification du statut immunitaire du patient. Une étude menée en 2008 (source 3) a identifié un niveau plus élevé de la réponse inflammatoire en cas d’exposition au stress ou d’infection (observant un nombre accru de cytokines pro-inflammatoires, cellules natural killer mais aussi de l’activité lymphocytaire…) chez les personnes fatiguées chroniques.

Selon les chercheurs, cet état inflammatoire prononcé dès la moindre perturbation serait à l’origine des symptômes du syndrome de fatigue chronique : asthénie, état grippal, douleurs, difficultés respiratoires… Ainsi, il semblerait que le seul moyen de diminuer les symptômes serait donc d’éviter tout ce qui pourrait déclencher une modulation de l’immunité : infection, activité physique intense, stress…

D’ailleurs, le SFC apparaît souvent après une infection bactérienne ou virale. Une fois la maladie guérie, la fatigue persiste. Les médecins pointent notamment du doigt les infections virales par le virus de l’herpès et par le virus d’Epstein-Barr (responsable de la mononucléose infectieuse). La brucellose et les mycoplasmes (bactéries) ont également été incriminés.À lire aussi

La piste musculaire

Le docteur Yves Jammes, professeur de la faculté de Médecine et cardiologue à l’ Hôpital européen de Marseille, a mené un grand nombre de travaux sur le SFC (source 4). Il a comparé la réponse musculaire à un effort physique chez un patient malade et chez un patient sain. Il a observé chez l’individu touché par le SFC : une réduction de l’excitabilité musculaire mesurée lors d’un effort physique, une accentuation du stress oxydatif et de l’atteinte de la membrane musculaire, une réponse insuffisance des protéines protectrices du stress oxydatif induit par l’effort physique et des taux bas de CD26 (molécule jouant un rôle anti-inflammatoire). La baisse des protéines protectrice pourrait aussi concerner le tissu cérébral.

On comprend donc que le SFC serait lié à une dégradation importante des cellules musculaires et cérébrales due au stress oxydatif (c’est-à-dire l’agression des cellules par les radicaux libres). Le stress oxydatif est causé par diverses agressions (activité physique intense, stress émotionnel, infections, mauvaises habitudes alimentaires, tabagisme…).

La piste hormonale

Chez les personnes atteintes, certaines hormones sont présentes en quantité légèrement inférieure à la normale. Il s’agit notamment de l’hormone de croissance et du cortisol (appelée « hormone du stress » car elle aide l’organisme à faire face aux périodes de contrainte physique ou psychologique). Nous ignorons toutefois si cette anomalie hormonale est la cause ou une des conséquences du SFC.

À noter qu’il a souvent été observé, chez les personnes atteintes de SFC, une fréquence importante d’événements avec un fort retentissement émotionnel dans les trois mois précédant le début de la maladie.

La piste toxicologique

L’exposition à certains pesticides ou insecticides entraîne parfois des symptômes proches de ceux du SFC et pourrait être en cause dans certains cas.

Principaux symptômes du syndrome de fatigue chronique

La fatigue chronique recouvre un grand nombre de symptômes non spécifiques décrits par différentes institutions médicales. En 1994, le scientifique Fukuda (source 5) et son équipe énumèrent les premiers critères de la maladie. En 2011, un consensus international retient les symptômes suivants (source 6) :

– Un épuisement après un effort physique ou intellectuel qui se caractérise par :

  • Une fatigabilité cognitive et/ou physique (manque d’endurance) en réponse à un effort qui peut être minime (il peut s’agir de simple acte de la vie quotidienne comme prendre sa douche, écrire une liste de course…) ;
  • Des symptômes intenses après un effort : état grippal aigu (fièvre et courbatures), douleurs physiques, état d’épuisement… ces symptômes sont immédiats ou retardés de quelques heures à quelques jours après l’effort.
  • Une période de récupération prolongée qui peut durer 24 heures ou plus.

– Des signes neurologiques :

  • _Difficulté de traitement de l’information ;
  • _Trouble de l’attention, de la concentration et de la pensée (pensée ralentie) ;
  • _Trouble confusionnel et une désorientation ; 
  • _Dyslexie ;
  • _Perte de mémoire à court terme (le patient perd ses mots, ne se souvient plus de ce qu’il cherche ou de ce qu’il veut dire) ;
  • _Vertiges, étourdissements…

– Des douleurs chroniques : céphalées, douleurs oculaires, cervicalgie, douleurs musculaires, douleurs généralisées, douleurs à certains endroits de la tête, du cou ou à la mâchoire …

– Des troubles du sommeil et du rythme circadien (insomnies ou au contraire sommeil prolongé, rêves étranges, sommeil non-réparateur…)

– Des troubles moteurs : difficulté à se tenir debout, trouble de l’équilibre et de la coordination des mouvements volontaires …

– Des troubles musculaires : faiblesse musculaire, tremblements involontaires des muscles « Nous parlons de trémulations des muscles. Elles sont souvent le signe d’une perte de masse ou de tonus musculaire. Ce symptôme est fréquent dans un grand nombre de maladies neurologiques chroniques », selon le docteur Georges Retali, neurologue.

– Des troubles sensoriels : troubles visuels, hypersensibilité à la lumière, aux bruits, aux odeurs… ;

– Un affaiblissement immunitaire marqué par des infections ORL récidivantes (maux de gorge, sinusite, ganglions gonflés…) ;

– Des troubles gastro-intestinaux : nausées, ballonnements, … ;

– Des troubles génito-urinaires :envie fréquente d’uriner (notamment la nuit), envie pressante d’uriner… ;

– Des troubles respiratoires :respiration difficileessoufflement, impression de manque d’air… ;

– Des troubles du rythme cardiaque : tachycardie en position debout, palpitations, arythmie cardiaque… ;

– Une hypotension artérielle ;

– Une instabilité de la température corporelle : extrémités froides (phénomène de Raynaud), température corporelle basse ou au contraire élevée (fièvre), sudations nocturnes…

Conseils de prévention

Il n’est pas possible de prévoir ni d’empêcher la survenue de la maladie dans la mesure où ses causes ne sont pas encore clairement élucidées. Toutefois, il existe des mesures préventives qui permettent de diminuer les symptômes.

  • _Éviter les facteurs de stress psychologique et lutter contre ce dernier par différentes méthodes : psychothérapie, relaxation, méditation, yoga relaxant (vishranta yoga), sophrologie, hypnose…
  • _Éviter les activités sportives intenses.
  • _Éviter le surmenage.
  • _Conserver une bonne hygiène de vie : sommeil suffisant, alimentation équilibrée (riche en fibres et en nutriments et pauvres en acides gras saturés et en sucres rapides). L’activité physique doit cependant rester modérée car elle est souvent à l’origine des symptômes. Malgré cela, les patients doivent lutter contre la sédentarité.
  • _Éviter l’alcool, le tabac et la caféine.
  • _Obtenir un soutien psychologique grâce aux associations ou aux groupes de soutien.
  • _Se protéger des infections bactériennes et virales (en conservant une bonne hygiène des mains et des dents, en évitant les contacts trop étroits avec l’entourage, en portant un masque, en privilégiant les rapports sexuels protégés…).
  • Éliminer les allergènes ou à défaut traiter les allergies 

Examens : comment savoir si on souffre de fatigue chronique ?

Le seul examen de dépistage de la maladie consiste en un examen clinique qui constate la présence des symptômes dont une fatigue intense depuis plusieurs mois. Si vous ressentez des signes avant-coureurs, consultez un médecin.

Les risques d’errance thérapeutique ou d’erreur de diagnostic sont particulièrement élevés car la maladie reste mal connue et parfois niée par le corps médical. Mais le retard diagnostic résulte parfois de la négligence du patient lui-même qui ne consulte pas pour ses symptômes non spécifiques. Il n’est pas rare que le SFC soit soigné en psychiatrie, identifiée alors comme une dépression.

Traitements de la fatigue chronique

Il n’existe aucun traitement pour soigner la maladie. Le seul moyen est de soulager les symptômes. Les soins sont multidisciplinaires.

  • Traiter les troubles respiratoires, ORL, digestifs, urino-géniaux… ;
  • Traiter les douleurs et les céphalées par la prise d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens ou d’antalgiques (ibuprofène, paracétamol, aspirine…). La kinésithérapie et l’ostéopathie peuvent aussi aider les patients ;
  • Les antidépresseurs : pris à un faible dosage, les antidépresseurs tricycliques permettent un soulagement de la douleur et une diminution de la fatigue. Les antidépresseurs de la catégorie des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont aussi parfois prescrits.
  • Les anxiolytiques (ou benzodiazépines) peuvent aussi être prescrits afin de calmer le stress ou décontracter les muscles (grâce à leurs effets myorelaxants) ;
  • Les compléments alimentaires : cures de vitamines C, B et E ; acides aminés ; sels minéraux (en particulier le magnésium, le phosphore, le calcium, le fer, le zinc, le manganèse et le cuivre…) ;
  • Les stimulants (déanol, sulbutiamine, caféine…) : ils sont à prendre à titre exceptionnel.
  • Une activité physique modérée.
  • L’homéopathie : lors de fatigue chronique, il est possible de prendre 3 granules 3 fois par jour de : Kalium phosphoricum 9 CH(lorsque la fatigue est d’origine psychique ) ; Arnica 9 CH et Rhus toxicodendron 9 CH (si la fatigue survient après un effort physique ou sportif ).

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