Le PDG de SpaceX, Tesla et Twitter veut créer TruthAI, un modèle IA consacré à la recherche de la vérité absolue
La poussière commence à retomber après l’annonce de la création d’X. AI Corp, la nouvelle entreprise d’Elon Musk consacrée à l’intelligence artificielle. L’intéressé s’est enfin exprimé dans une interview à Fox News. On commence enfin à y voir un peu plus clair sur la mission de cette nouvelle structure, et autant le dire tout de suite : il va y avoir du grabuge. Le milliardaire est désormais sur le sentier de la guerre.
La principale question autour de cette nouvelle structure, c’était de savoir si elle chercherait à développer un nouveau grand modèle de langage (LLM) pour concurrencer OpenAI et Google et/ou s’il s’agirait d’une entreprise satellite qui piloterait les travaux sur l’IA de Tesla, Twitter ou Neuralink (voir notre article). Sur Twitter, Musk vient de confirmer ce premier point : il affirme vouloir travailler sur son propre LLM.
Mais comme souvent avec le sulfureux PDG, il y a un twist. Son objectif n’est pas de commercialiser un nouveau « chatbot de compagnie » comme ChatGPT et consorts. À la place, il veut donner corps à un modèle baptisé TruthGPT (« VéritéGPT »). Ce nom de code déjà mentionné par le passé n’était qu’une expérience de pensée jusqu’à présent, mais le concept vient de devenir beaucoup plus concret. Musk dresse le portrait d’un modèle IA consacré à la recherche de ce qu’il appelle la « vérité maximale », ce qu’on peut interpréter comme « la vérité la plus absolue et objective possible » – quoi que cela puisse bien vouloir dire.
Une IA omnisciente, mais pas une IA forte
Cette annonce fera certainement pousser des cris d’orfraie aux détracteurs de Musk. Ces derniers y verront sans doute une grosse débauche d’hypocrisie. Car pour rappel, cela fait quelques années qu’il multiplie les mises en garde sur le potentiel destructeur de l’IA. Il réclame aussi la mise en place d’un régulateur global. Il fait aussi partie des 1300 personnalités qui ont signé un moratoire demandant une « pause » dans les expériences d’intelligence artificielle que leurs créateurs ne peuvent pas « comprendre, anticiper ou contrôler ».
Mais une fois n’est pas coutume, Musk est en fait plutôt droit dans ses bottes. Car en pratique, son objectif n’est pas de travailler sur une IA dite forte. Ce terme désigne un modèle capable d’égaler, puis de dépasser l’humain sur l’ensemble des tâches intellectuelles abstraites, et éventuellement d’atteindre le stade de la conscience.
À la place, il veut une IA entièrement dépourvue de toute composante humaine. Sa finalité serait de « comprendre la nature de l’univers », de la façon la plus objective qui soit.
La nuance pourrait sembler ténue à première vue, mais les enjeux sont très différents en pratique.
Contrairement à une IA forte, le concept imaginé par Musk ne serait qu’un observateur passif. Un modèle de ce genre se contenterait de donner des informations en réponse à une requête précise. Il n’aurait aucun contrôle direct sur les systèmes critiques.
Fuir la singularité coûte que coûte
Musk estime que cette approche permettrait de contourner les risques éthiques et sécuritaires qui l’ont motivé à signer cette fameuse pétition. Il a notamment fait allusion à la fameuse singularité qui pourrait conduire à l’apparition d’une super-IA susceptible de réduire notre espèce en esclavage. « Je pense que ça pourrait être la meilleure voie vers la sécurité », estime le milliardaire.
« Une IA qui cherche à comprendre l’univers aurait peu de chances d’annihiler l’humanité, parce que nous sommes une composante intéressante de cet univers », explique-t-il avant d’embrayer sur un exemple pas forcément bien choisi. « Par exemple, l’humanité pourrait parfaitement décider de chasser tous les chimpanzés, mais nous sommes heureux qu’ils existent et nous cherchons à protéger leur habitat ». Plutôt ironique, connaissant le traitement réservé aux primates utilisés comme cobayes lors des expériences de Neuralink… mais passons.
La guerre avec OpenAI est déclarée
Au-delà de cette justification farfelue, Musk présente surtout son TruthGPT comme un remède aux maux qu’il attribue à OpenAI. Pour rappel, cette entreprise est actuellement le chef de file de cette niche technologique. C’est en grande partie grâce à son modèle GPT-4, qui alimente le chatbot ChatGPT. Musk faisait initialement partie des investisseurs de ce qui était à l’époque une organisation à but non lucratif. Mais il a fini par claquer la porte sur fond de frictions avec l’actuel PDG Sam Altman autour du leadership de l’entreprise.
Son départ a fait partie d’un ensemble de facteurs qui ont créé un vaste appel d’air. Cela a pêrmis à Microsoft d’entrer dans la danse à grands coups de milliards. Et depuis, le statut de l’entreprise a bien évolué ; l’organisation à but non lucratif, c’est désormais de l’histoire ancienne. En pratique, OpenAI est désormais l’un des bras armés de Microsoft dans la recherche en intelligence artificielle. Et le géant numérique espère évidemment en tirer des bénéfices.
Or, Musk n’a jamais caché son mépris pour Microsoft et Bill Gates. Forcément, il porte un jugement assez sévère sur ce genre de partenariat très lucratif. Il considère que cette dynamique menace l’éthique de l’IA en encourageant la recherche débridée, aux dépens du principe de précaution. En d’autres termes, il considère que les travaux d’OpenAI et consorts poussent notre civilisation vers la ruine… et présente TruthGPT comme une alternative salvatrice. Il renfile donc la cape de super héros qu’il affectionne temps, lui qui veut déjà sauver l’humanité à grands coups de voitures électriques et de colonies martiennes.
Lors de l’interview, Musk n’a pas révélé si X.AI avait déjà commencé à travailler sur ce TruthGPT. Mais quoi qu’il en soit, il sera très intéressant d’observer l’évolution de cette initiative – surtout qu’elle émane d’un entrepreneur sulfureux qui semble avoir une définition bien à lui de la vérité. Va-t-il réussir à faire de l’ombre à OpenAI et Microsoft ? Difficile de livrer un pronostic en l’état. Mais ce qui est sûr, c’est que la guerre est déclarée. Et connaissant le tempérament de forcené d’Elon Musk, on peut s’attendre à quelques étincelles.
Fox News