Fiasco du Stade de France : ce qu’il faut retenir de l’audition de Gérald Darmanin devant le Sénat

Gérald Darmanin et Amélie Oudéa-Castéra, le ministre de l’Intérieur et la ministre des Sports et des Jeux Olympiques de Paris 2024, ont été auditionnés ce mercredi 1er juin durant plus de deux heures par les sénateurs. Quatre jours après les violents incidents aux abord du Stade France en marge de la finale de la Ligue des Champions entre Liverpool et le Real Madrid, ils ont tenté d’expliquer ce qui s’est passé ce soir-là, et d’établir certaines responsabilités. Voici ce qu’il faut retenir de cette audition.

« La gestion des faits a été unanimement qualifiée de scandaleuse, ou de honte nationale par certains responsables politiques », a déclaré en introduction le président de la commission des Lois, François-Noël Buffet (sénateur LR du Rhône), à l’origine de la demande d’audition. Vingt-cinq sénateurs ont ensuite posé des questions aux membres du gouvernement, exigeant notamment des précisions sur les chiffres quant aux « faux-billets », et sur l’action des forces de l’ordre.

Il y avait « assez d’effectifs de police », selon Gérald Darmanin
« Il est évident que cette fête du sport a été gâchée. Nous regrettons très sincèrement les débordements, parfois inacceptables, qui ont eu lieu », commence Gérald Darmanin, ajoutant que « l’image négative de ce match est une blessure pour notre fierté nationale. » « Les choses auraient pu être mieux organisées », reconnait d’emblée le ministre de l’Intérieur.

Il reprend ensuite l’ensemble du déroulé de la soirée, point par point. Concernant les forces de l’ordre, « il y avait très largement assez d’effectifs de police pour cet évènement », estime le ministre de l’Intérieur. Il donne le chiffre de 6.800 policiers et gendarmes « déployés », soit « le double d’effectifs en sécurité publique » par rapport au match de Coupe de France de foot, Nice-Nantes, le 7 mai, qui s’est également tenu au Stade de France et qui « était a priori plus dangereux » poursuit Gérald Darmanin. Avant le match, il fait état d’un « flux sur le RER D trois fois plus important » que lors d’une soirée normale au stade de France, selon les chiffres de la RATP.

Environ « 110.000 personnes » se sont présentées « dans et autour du Stade de France »
Sur le nombre de faux billets, point de cristallisation des critiques du gouvernement, « on n’a jamais dit que c’était 35.000 faux billets, on a dit que c’était 35.000 personnes qui avaient des faux billets ou pas de billets du tout », se défend le ministre de l’Intérieur. Lundi, il a en effet déclaré qu’ « entre 30.000 et 40.000 supporters anglais se sont retrouvés au Stade de France, soit sans billet, soit avec des billets falsifiés ». Un chiffre non corroboré ni par l’UEFA ni par de nombreux observateurs sur place.

Lors de l’audition, le ministre le maintient et détaille le calcul de la place Beauvau : entre 109.000 et 117.000 personnes se sont rendues aux abords du stade (en transports en commun, en taxi, VTC, bus de supporters ou en voiture personnelle) estime le ministère, soit entre 34.000 et 42.000 supporters de plus que la capacité maximale de l’enceinte, de 80.000 personnes.

S’il ne reprécise pas qu’il s’agit seulement dans son comptage de « supporters anglais », Gérald Darmanin réitère que les incidents ont lieu essentiellement autour des entrées de leurs tribunes, et compare à de nombreuses reprises la gestion de leur acheminement, « désorganisée » par rapport à celle des supporters du Real Madrid, « où il n’y a eu aucun problème ». « Plusieurs billets ont été dupliqués des centaines de fois », ajoute-t-il, évoquant notamment deux titres respectivement édités à 760 et 744 reprises.

Une « note » non transmise à la préfecture de police
Concernant la note de la DNLH élaborée en lien avec le Renseignement Intérieur, et qui informait du risque de faux billets quelques jours avant le match (sans anticiper un volume si important), il admet qu’ « elle n’a pas été transmise à la préfecture de police », et que « c’est un dysfonctionnement du ministère, je vais en tirer les conséquences « , même si « cela n’aurait pas changé grand chose ». La note anticipait « environ 50.000 supporters anglais présents dans la capitale française » sans billet, et des tentatives d’intrusion par des individus maquillés en stadiers ou en personnel d’entretien, ce qui n’a pas été observé sur place.

Les Espagnols et les Anglais agressés pourront déposer plainte
Le ministre de l’Intérieur a également annoncé que les citoyens britanniques et espagnols agressés à l’issue du match « pourront déposer plainte dans leur pays » à partir de ce lundi 6 juin et effectuer une saisine de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) si nécessaire. Il va déployer des forces de l’ordre à cet effet et une procédure en ligne sera proposée.

Deux saisines de l’IGPN
Concernant les incidents aux abord du stade, « deux saisines de l’IGPN » ont été effectuées et « j’ai demandé des sanctions au préfet de police pour ces deux responsables des forces de l’ordre », informe encore le ministre de l’Intérieur. Il fait référence à l’utilisation de gaz lacrymogène, qui, dans deux cas qu’il a « vu personnellement », était « contraire aux règles d’emploi ». Il ajoute : « le gaz lacrymo a permis de sauver un certain nombre de personnes de l’écrasement mais il a aussi causé de gros dégâts, notamment sur des enfants (…) je voulais m’excuser très sincèrement de cette utilisation disproportionnée ».

« Des règles différentes » pour de futurs évènements
Gérald Darmanin a enfin demandé au délégué interministériel aux JO et aux grands évènements, Michel Cadot, d’envisager « des règles différentes » de celle de la dispersion avec du gaz lacrymogène lors de futurs « évènements sportifs exceptionnels ».

Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports et des JO, a pris la parole en seconde partie d’audition. Elle a listé des pistes d’amélioration comme « optimiser la gestion de la zone de premier filtrage », avec une « juste répartition des responsabilités entre les agents de sécurité privée et les forces de sécurité publique », et des « moyens matériels bien calibrés ».

Les prochains JO à Paris en 2024 demandent une mobilisation inédite des forces publiques (police, gendarmerie, police municipale) et plus de 20.000 agents de sécurité privée. « La gestion du dernier kilomètre nous amènera probablement aussi à des choix politiques et stratégiques comme la piétonisation de certaines voies d’accès pour écarter des risques remarqués samedi » entre piétons et véhicules, conclut-elle.

Suite à ces évènements, l’UEFA a ouvert une enquête « indépendante » pour « examiner les prises de décisions, les responsabilités et les comportements de toutes les parties impliquées dans la finale ». Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a de son côté décidé de saisir la justice pour une « fraude massive aux faux billets », estimant que cela aurait « pu avoir des conséquences très graves pour la sécurité des spectateurs », apprend-on dans un rapport au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Du côté de Liverpool, la colère ne retombe pas. Le président du club des Reds a réclamé ce mardi 31 mai des excuses aux autorités françaises pour avoir pointé du doigt les supporters des Reds.

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