Avec 44 000 nouveaux cas chaque année et 18 000 morts, c’est l’un des cancers les plus fréquents en France : le 2e chez la femme, après le sein, et le 3e chez l’homme, après la prostate et le poumon. Le terme colorectal regroupe les cancers du côlon (2/3 des cas) et du rectum (1/3).
Ils se développent la plupart du temps à partir d’adénomes (communément appelés « polypes »), qui résultent d’anomalies cellulaires et forment des excroissances au niveau de la muqueuse. Détectés à temps, ils se soignent dans 9 cas sur 10. Mais ils sont encore trop souvent diagnostiqués tardivement, malgré la mise en place depuis dix ans d’un dépistage après 50 ans.
1/ Quels signes doivent alerter ?
« Du sang dans les selles, des douleurs abdominales, l’alternance de diarrhée ou de constipation, un amaigrissement, une anémie, une tension rectale et/ou une sensation de faux besoins », indique le Pr Thierry Ponchon, hépato-gastro-entérologue à l’hôpital Édouard-Herriot de Lyon. Ces signes doivent amener à consulter son médecin traitant, qui pourra prescrire une coloscopie.
2/ Si je n’ai pas de symptômes, je ne suis pas malade ?
La transformation d’un adénome en cancer peut prendre dix ans. Celui-ci se développe en silence, avant que les symptômes ne soient perceptibles. C’est pourquoi il est souvent découvert tardivement. Dans 30 % des cas, il est déjà à un stade métastatique, compliquant sa prise en charge.
3/ Quel est mon niveau de risque ?
On en dénombre trois. Le niveau Très élevé (5% des cancers colorectaux) concerne les personnes qui présentent une anomalie génétique héréditaire induisant un défaut de réparation de l’ADN (syndrome de Lynch) ou une présence importante de polypes (polypose adénomateuse) qui augmentent le risque. Elles sont orientées vers une consultation d’oncogénétique, afin d’identifier les mutations et un suivi intensif par coloscopie est conseillé.
Le niveau Élevé (15 à 20% des cas) se rapporte aux personnes ayant des antécédents personnels (déjà un cancer ou un adénome) ou familiaux (au premier degré), ainsi que celles qui souffrent d’une maladie inflammatoire de l’intestin. Une coloscopie tous les 5 ans est recommandée.
Le niveau Moyen, lui, s’applique aux plus de 50 ans sans antécédents familiaux, soit environ 16 millions de Français.
4/ Ce cancer est-il évitable ?
Outre la génétique, des facteurs environnementaux interviennent : l’alcool, le tabac, la consommation excessive de viande rouge et charcuterie, le surpoids, le manque d’activité physique. « Manger crétois plutôt que crétin est assurément une bonne idée, y compris contre le cancer colorectal », résume le Dr Malka de Villejuif. « Mais cela n’immunise pas totalement. Il reste un 3e facteur : le hasard ! » D’où l’importance de participer au dépistage mis en place depuis 2009.
5/ Concrètement, comment s’organise le dépistage ?
Entre 50 et 74 ans, un courrier vous invite tous les 2 ans à consulter votre médecin pour obtenir un « kit de dépistage ». Il peut aussi être remis par un spécialiste (gynécologue, hépato-gastroentérologue…). Le test consiste à prélever un échantillon de selles à la maison et à l’envoyer pour analyse. Depuis 2015, un nouveau test « immunologique », plus sensible, permet de détecter des traces infinitésimales de sang. S’il est positif, pas de panique ! Votre médecin vous prescrira une coloscopie. « Dans 30 à 40 % des cas, une lésion pré-cancéreuse sera découverte et pourra être enlevée directement lors de l’examen. Dans 8 à 10 % des cas, un cancer sera détecté », précise le Pr Ponchon.
6/ Pourquoi le dépistage est-il insuffisant en France ?
Un tiers de la population cible se prête au dépistage, alors qu’il faudrait atteindre 50 % pour avoir un réel impact sur la mortalité. « Manipuler ses selles, ce n’est pas glamour, reconnaît le Dr Malka. Mais ça peut vous sauver la vie ! ». Le Pr Ponchon pointe aussi du doigt des modalités trop rigides de distribution du test. Aux Pays-Bas, où il est envoyé systématiquement à domicile, la participation atteint 70 %.
7/ Quels sont les traitements ?
La chirurgie est généralement le premier traitement. Retirer la tumeur nécessite l’ablation d’un morceau de côlon. Une chimiothérapie peut être administrée ensuite pour éviter les récidives. Parfois, la chimio précède la chirurgie, « notamment en cas de métastases », précise le Dr Julien Forestier, chef adjoint du service d’oncologie médicale à l’hôpital Édouard-Herriot de Lyon. Pour le cancer du rectum, radiothérapie et chimiothérapie sont de plus en plus souvent associées afin de réduire la tumeur avant de l’enlever. L’opération nécessite parfois l’ablation du rectum.
Une étude* fait grand bruit car une équipe américaine pense avoir trouvé un traitement efficace pour soigner le cancer colorectal. Six mois durant, le dostarlimab, un anticorps monoclonal, a été testé sur 12 patients et tous ont développé « une réponse clinique complète et soutenue 12 mois après la fin de traitement ». En clair : pas de tumeur et aucun cas de progression ou de récidive de la maladie à l’issue de ce traitement qui n’attaque pas directement les cellules cancéreuses mais qui fait en sorte que le système immunitaire du patient fasse le nécessaire. De nouveaux essais cliniques sont en cours pour évaluer la durée de cette réponse immunitaire.
8/ C’est quoi une stomie ?
Lorsqu’il enlève une portion de côlon, le chirurgien suture les deux extrémités dans 95 % des cas. Mais parfois, il doit dériver le côlon vers un orifice pratiqué dans l’abdomen, auquel est fixée une poche (stomie) pour recueillir les selles. « La stomie peut être provisoire, entre trois et quatre mois : c’est le cas lors des opérations en urgence, et pour certains cancers du rectum, indique le Dr Forestier. Mais lorsque la tumeur est située dans le bas rectum, le chirurgien peut être amené à retirer les sphincters. Elle est alors définitive. »
9/ Peut-on vivre normalement après un cancer colorectal ?
Si l’ablation partielle du côlon peut provoquer une accélération du transit, c’est le cancer du rectum qui a les conséquences les plus invalidantes. « Grâce à l’amélioration du taux de survie, on se préoccupe davantage de la qualité de vie des patients », souligne le Pr Rullier, chirurgien au CHU de Bordeaux, qui a montré dans une étude publiée en 2017 dans The Lancet que 40 % des petites tumeurs étaient neutralisées par la radiochimiothérapie, rendant inutile l’ablation du rectum. « Dans dix ans, la moitié des cancers du rectum seront guéris en préservant l’organe », affirme-t-il. Une approche révolutionnaire où la France est en pointe. En parallèle, le dépistage devrait limiter les situations d’urgence, diminuant aussi le nombre de stomies.
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