Le Parquet national financier (PNF) a ouvert jeudi une information judiciaire sur des soupçons de « détournement de fonds publics » dans la gestion du fonds Marianne, créé en 2021 pour lutter contre le séparatisme.
Nouvelle difficulté pour le gouvernement : le Parquet national financier (PNF) a ouvert, jeudi 4 mai, une information judiciaire pour des soupçons de détournement de fonds publics dans la gestion du fonds Marianne créé par Marlène Schiappa en 2021 pour lutter contre le séparatisme.
Ce « fonds Marianne pour la République » avait été lancé en avril 2021 par la ministre quelques mois après l’assassinat du professeur Samuel Paty dans les Yvelines, afin de « financer des personnes et associations qui vont porter des discours pour promouvoir les valeurs de la République » et « lutter contre les discours séparatistes » en ligne.
Ces dernières semaines, le fonds a fait l’objet de plusieurs signalements à la justice après des articles de presse critiquant les conditions d’attribution de subventions et leur utilisation, qui ont conduit le PNF à ouvrir jeudi une information judiciaire.
Le ministère public a confirmé à l’AFP cette décision, révélée par France Inter, et précisé que les investigations portaient sur les infractions de détournement de fonds publics, détournement de fonds publics par négligence, abus de confiance et prise illégale d’intérêts.
L’affaire a débuté fin mars par des révélations de l’hebdomadaire Marianne et de France 2. D’après leur enquête, le principal bénéficiaire du fonds, l’association USEPPM, a bénéficié d’une dotation de 355 000 euros qui aurait seulement alimenté un site Internet et des publications peu suivies sur les réseaux sociaux. Quelque 120 000 euros ont aussi été utilisés pour salarier deux de ses ex-dirigeants.
Le site Mediapart a ensuite révélé que plusieurs personnalités de gauche avaient été dénigrées dans des contenus mis en ligne par une autre structure financée par le fonds, « Reconstruire le commun », qui a obtenu 330 000 euros.
Marlène Schiappa dénonce des « calomnies »
Un premier signalement a été émis par Christian Gravel, patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), à qui avait été confiée la procédure de sélection des associations et dont le rôle est questionné dans la presse.
Deux autres signalements ont été adressés à la justice par la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, et la cheffe des députés de La France insoumise (LFI), Mathilde Panot.
Pour l’élue LFI, « les faits sont graves et interrogent la responsabilité de Marlène Schiappa dans la création, l’utilisation et le contrôle de ces fonds publics ».
L’actuelle secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative a balayé des « calomnies ». Elle a notamment fait savoir le 27 avril sur Twitter que son avocate « poursuivrait pour diffamation tous ceux qui (l’)imputent à tort d’une action de favoritisme ».
« AUCUN des lauréats du Fonds Marianne n’est mon ami, ou mon proche, ou que sais-je. Ils l’ont eux-même démenti », a-t-elle aussi écrit le 22 avril, soulignant n’avoir « pas validé le contenu » des vidéos contestées de « Reconstruire le commun », ni « demandé à cibler des opposants politiques ».
Vers une commission d’enquête au Sénat
De son côté, l’un des deux anciens dirigeants de l’USEPPM, Mohamed Sifaoui, journaliste réfugié politique en France après avoir échappé à quatre attentats en Algérie dans les années 1990, a assuré avoir engagé des procédures judiciaires pour « rétablir la vérité ».
La commission des finances du Sénat, dominée par l’opposition de droite, a demandé mercredi à être dotée des prérogatives d’une commission d’enquête pour pouvoir aussi se pencher sur ce fonds, tandis que l’Inspection générale de l’administration (IGA), saisie par la secrétaire d’État chargé de la Citoyenneté, Sonia Backès, doit rendre « fin juin » un audit sur ce dossier.
Alors que le chef de l’État et le gouvernement sont contestés dans la rue pour leur réforme des retraites, cette information judiciaire s’ajoute à une liste d’investigations autour de la macronie.
Deux informations judiciaires ont été ouvertes fin 2022 pour enquêter sur les liens entre le cabinet de conseil McKinsey et la majorité présidentielle.
Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, doit être prochainement jugé devant la Cour de justice de la République (CJR), les ministres Olivier Dussopt (Travail) et Sébastien Lecornu (Armées) sont visés par des enquêtes du PNF, tandis que le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, est mis en examen pour prise illégale d’intérêts.
AFP