Séisme au Maroc : pourquoi il était totalement imprévisible ?

Seismograph for earthquake detection or lie detector is drawing chart. 3D rendered illustration.

Tous les sismologues sont formels : il est impossible de prévoir avec précision les séismes. Pourtant, dans certains cas, il est possible d’avoir une idée de la durée entre deux tremblements de terre et donc de mettre en place des mesures de prévention. Mais pas dans le cas du séisme survenu au Maroc. On vous explique pourquoi.

Il y a quelques jours, le Maroc a été frappé par un puissant séisme. Tout comme en Turquie il y a quelques mois, les secousses ont entraîné de très importantes destructions et le bilan humain ne cesse malheureusement d’augmenter, heure après heure [plus de 2 800 victimes sont à déplorer à l’heure où ces lignes sont écrites, ndlr].

Il y a pourtant une différence fondamentale entre les deux événements. Alors que l’épicentre du séisme en Turquie était clairement localisé sur une limite de , comme le sont d’ailleurs l’immense majorité des tremblements de , le séisme marocain a été causé par le  d’une faille située à l’intérieur de la plaque africaine. On parle dans ce cas de séisme intraplaque.

L’immense majorité des séismes a lieu en limite de plaques tectoniques

Il faut en effet rappeler que, si des failles jalonnent l’ensemble de la croûte terrestre, toutes ne sont pas actives de la même manière. La plus forte activité se joue là où les contraintes sont maximales, c’est-à-dire au niveau des limites de plaques tectoniques. Le séisme en Turquie, en février 2023, est ainsi survenu à la limite entre la plaque Eurasienne et la plaque Anatolienne. Les plaques tectoniques sont en effet considérées comme des blocs relativement rigides qui se déforment très peu.

Or, chacune se déplace par rapport aux autres. Ces mouvements relatifs sont donc principalement accommodés sur les limites de plaques, produisant des  de manière plutôt régulière, avec des cycles sismiques « courts ». La sismicité est donc un élément intrinsèque aux limites de plaques. Les épicentres des tremblements de terre permettent d’ailleurs de mettre en lumière les différentes plaques tectoniques sur l’ensemble du globe.

Pourtant, de nombreuses failles affectent l’intérieur des continents. Si certaines sont héritées d’un passé géologique très ancien et désormais considérées comme inactives, d’autres accommodent de très légers déplacements. Car les plaques ne sont pas totalement rigides. Elles se déforment légèrement, en réponse à diverses contraintes.

Comme dans les autres cas, des séismes peuvent alors se produire, lorsque l’accumulation de la déformation devient trop importante et dépasse le seuil de résistance des roches. Ces séismes intraplaques sont cependant beaucoup plus rares que ceux survenant en limites de plaques. Et c’est bien ce qui les rend dangereux.

Des séismes totalement imprévisibles à cause du manque de données

De fait, ils surviennent généralement sans prévenir dans des zones considérées comme plutôt calmes d’un point de vue sismique. C’est le cas par exemple du séisme du Teil survenu en France en 2019. Depuis 1974, on ne dénombre cependant, sur l’ensemble du globe, qu’une vingtaine de séismes intraplaques avec une  supérieure à 6.

Le séisme intraplaque du Teil en 2019 a été une grande surprise, la faille en cause étant jusqu'alors considérée comme inactive. © J.F. Ritz, ressources média du site <em>Epos Résif</em>, CC by 4.0

Le manque de données est donc criant pour ce type de séismes. Difficile alors d’estimer le  d’une région et de mettre en place des mesures de protection de la population, notamment en adaptant les normes de construction. Les zones touchées sont donc souvent mal préparées face à la survenue d’un séisme se déclenchant à faible profondeur et dont la magnitude peut s’avérer parfois élevée.

Et c’est bien ce qu’il s’est passé au soir du vendredi 8 septembre au Maroc. « La région du Haut Atlas était cependant déjà connue pour son activité sismique, explique Jean-François Ritz, paléosismologue à l’Université de Montpellier. Plusieurs  avaient déjà été cartographiées, présentant un potentiel pour générer des séismes de magnitude 6 voire 7. En ce sens, ce séisme n’est pas une surprise. Mais l’absence de données de référence et notamment d’études paléosismologiques ne permettait pas d’avoir une quelconque idée de quand pourrait se produire un tel séisme ».

Carte présentant les failles qui affectent la région du Haut Atlas (en bas). En haut, synthèse des événements sismiques entre 1964 et 2006. La zone touchée par le séisme du 8 septembre (8,3° de longitude, 31° de latitude) ne présente aucun séisme important. © Michel Sébrier et<em> al.,</em> 2006, <em>Comptes Rendus Géoscience</em>

Des séismes trop espacés dans le temps pour avoir une base de données fiable

Si une déformation est bien enregistrée dans ce massif montagneux, témoignant de sa lente élévation et donc de la présence de contraintes tectoniques, le taux de déformation est en effet extrêmement lent, de l’ordre de 1 millimètre par an. « À ce rythme, on peut s’attendre à un séisme seulement tous les 1 000 ou 2 000 ans », précise le chercheur.

On comprend donc mieux la difficulté d’estimer le temps de récurrence des séismes sur ces failles du Haut Atlas. Vendredi, il semble que le seuil de  ait été atteint. Sans crier gare, malheureusement.

À présent, les habitants vont devoir faire face aux nombreuses répliques sismiques qui vont s’enchaîner, avec le risque de voir de nouveaux bâtiments s’effondrer. L’incertitude demeure également sur le risque de déstabilisation d’autres failles dans la région. « Nous manquons cruellement de données, déplore Jean-François Ritz. Il est impossible de savoir comment les failles voisines vont réagir à ce puissant séisme ».

Comment aider et faire un don pour les sinistrés marocains ?

En attendant, les secours sont toujours à pied d’œuvre pour porter assistance aux habitants de nombreux villages très isolés et désormais totalement en ruine. Comme pour chaque catastrophe de ce type, toute aide est bienvenue. Vous pouvez bien sûr envoyer des dons via plusieurs organisations de confiance, comme la Croix-Rouge, le Secours Populaire, la Fondation de France, l’Unicef ou l’association Care.

futura

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