Le Hamas a lancé une attaque surprise contre Israël samedi, en tirant des milliers de roquettes et infiltrant des combattants en territoire israélien. Pour David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès, cette attaque « surprise, massive et coordonnée » constitue une “faillite majeure” des services de renseignement israéliens.
Opération « déluge d’Al-Aqsa ». C’est le nom de l’attaque massive lancée samedi 7 octobre par le Hamas contre Israël depuis la bande de Gaza, mettant fin à une trêve globalement respectée depuis la fin d’une guerre de cinq jours entre Israël et le territoire palestinien en mai.
La branche armée du mouvement islamiste, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, a annoncé avoir lancé plus de 5 000 roquettes et infiltré des combattants en territoire israélien.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu a promis des représailles. « Notre ennemi va payer un prix tel qu’il ne l’a jamais connu », a-t-il lancé, dans une allocution. Et d’ajouter : « nous sommes en guerre et nous allons gagner. »
Interrogé par France 24, David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès, estime que cette attaque met en lumière une certaine impréparation des services de renseignement israéliens. Entretien.
France 24 : Dans quelle mesure cette attaque contre Israël est-elle sans précédent ?
C’est une attaque sans précédent à la fois par son envergure et par sa sophistication. Depuis la guerre du Kippour [conflit opposant Israël à une coalition militaire arabe menée par l’Égypte et la Syrie en 1973, NDLR], Israël n’a jamais été confronté à ce type d’attaque avec une véritable invasion terrestre.
Des forces de commandos du Hamas opèrent en profondeur sur le territoire israélien, avec un modus operandi d’une armée. Ce sont des forces spéciales aguerries, entraînées et dotées de moyens tactiques modernes, et qui mènent des combats qui se déroulent dans plusieurs localités simultanément.
On parle de sept à huit pick-up, composés d’environ sept à huit miliciens islamistes du Hamas chacun, qui patrouillent dans les rues des villes et des villages du sud d’Israël, qui ont tué des civils à bout portant, qui ont pris en otage des familles entières avec femmes et enfants. On est dans une configuration complètement inédite.
C’est une attaque surprise, massive et coordonnée. Elle implique un niveau de préparation de renseignements du côté du Hamas et probablement de soutien logistique aussi, avec en toile de fond le resserrement des liens entre le Hamas, le Jihad islamique d’un côté et le Hezbollah libanais et l’Iran de l’autre, qui expliquent assez largement ce qui est en train de se dérouler.
Comment les renseignements israéliens n’ont-ils rien vu venir ?
C’est une faillite majeure des services de renseignement israéliens. C’est une faillite qu’on pourrait même qualifier d’historique, et qui pourrait être, sans exagération, comparée à celle de 1973. Israël est un pays qui est en état d’alerte permanent, qui est sur le pied de guerre, qui est sur le qui-vive.
Or, aujourd’hui, on constate un certain degré d’impréparation, probablement une erreur d’analyse d’estimation des services de renseignement israéliens. C’est probablement aussi une erreur de préparation des forces spéciales israéliennes.
On sent bien que l’armée israélienne, elle-même, est dans un état de sidération, parce qu’elle est dans le brouillard de la guerre. La réussite de l’opération du Hamas repose sur l’effet de surprise et aussi sur des manœuvres interarmées. L’opération est tridimensionnelle : air, mer, terre. C’est cela qui a sans doute surpris les Israéliens.
Israël est aussi un pays qui compte sur sa technologie pour anticiper les menaces et pour les neutraliser en amont. Sauf que les évènements d’aujourd’hui démontrent qu’il y a à la fois un problème d’anticipation, et possiblement un problème d’analyse du niveau de la menace. Le scénario qui avait été envisagé par les services israéliens était plutôt celui d’une invasion par le nord, c’est-à-dire via le Hezbollah au Sud-Liban. Or aujourd’hui, ils ont été pris à revers.
Pourquoi l’opération du Hamas survient-elle maintenant ?
Cette opération terroriste intervient à un moment précis de l’histoire d’Israël qui est confronté à une crise politico-institutionnelle mais aussi identitaire inédite, avec une polarisation et une fracturation de la société de très grande ampleur. Cette crise nationale secoue le pays depuis plusieurs mois désormais, avec des manifestations hebdomadaires. Le Hamas n’a pas caché sa volonté de profiter de la vulnérabilité apparente d’Israël pour mener ce type d’attaque.
Par ailleurs, il y a une date anniversaire, celle des 50 ans de la guerre du Kippour. C’est d’ailleurs aujourd’hui précisément l’anniversaire à la date hébraïque de la guerre du Kippour qui justement a été une guerre d’invasion avec un effet de surprise des armées arabes coalisées.
Donc il y a une volonté très claire du Hamas de s’inscrire dans ce sillage sur le plan symbolique et communicationnel, avec une volonté de frapper fort et vite. Les Israéliens sont vraiment sous le choc et dans un état de sidération.
france24