Cette semaine, les représentants des pays donateurs et emprunteurs se réunissent à Zanzibar, en Tanzanie, pour faire le bilan du cycle actuel de financement de l’Association internationale de développement (IDA), l’institution de la Banque mondiale qui prête des fonds à des conditions concessionnelles. Ils font le point sur les programmes en cours de l’IDA et sur les besoins des pays les plus pauvres.
Mais le choix du lieu est significatif, car il permet aux participants d’avoir un regard direct sur l’extraordinaire impact des financements effectués par l’entremise de l’IDA, et il traduit le rôle central joué par l’Afrique, aujourd’hui comme demain, dans le développement.
D’ici 2050, une personne sur quatre sera africaine et le continent jouira de la main-d’œuvre la plus nombreuse et la plus jeune de la planète ; il représentera aussi de vastes marchés de consommation. Aujourd’hui, pourtant, les pays d’Afrique – dont beaucoup sont fragiles et en proie aux conflits – sont parmi les plus pauvres du monde. En Afrique subsaharienne (ASS) 462 millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté, tandis que de nombreux gouvernements doivent lutter contre les catastrophes climatiques, les conséquences de la pandémie de Covid-19 et de hauts niveaux de dette et de chômage.
Pour que se réalise l’immense potentiel de l’Afrique, les gouvernements doivent s’attacher à multiplier les opportunités d’emploi.
Aujourd’hui, un travailleur sur six dispose en ASS d’un emploi salarié, contre un sur deux dans les pays à haut revenu. Faute de revenus stables, beaucoup d’Africains peinent à réussir ou à se projeter dans l’avenir. La création de nouveaux emplois pour les jeunes, mieux payés, servirait de moteur de croissance inclusive et permettrait au continent de toucher les dividendes économiques de sa richesse démographique.
Les responsables politiques doivent aussi se montrer plus ambitieux lorsqu’ils s’affrontent aux sources d’une pauvreté croissante, de l’instabilité et de la violence, et lorsqu’ils tentent d’atténuer les effets des changements climatiques.
Quand des conditions météorologiques extrêmes débouchent sur une mauvaise récolte ou quand les conflits armés rompent les chaînes d’approvisionnement et limitent les accès aux services de première nécessité, les familles sont souvent contraintes de vendre leurs moyens de production et de migrer. Ces crises enchevêtrées menacent de réduire à néant les progrès réalisés dans le développement durable, et pour y répondre efficacement les gouvernements doivent déployer des moyens supplémentaires.
C’est ici qu’intervient l’IDA. Les fonds prêtés sont d’une aide capitale pour les pays d’Afrique qui doivent faire face à la hausse de leur endettement et au rétrécissement de leur marge de manœuvre budgétaire.
Le vingtième cycle de financement de l’IDA (IDA20), le plus récent, s’est achevé en décembre 2021. Un plan de 93 milliards de dollars en est sorti, à destination des soixante-quinze pays les plus pauvres, dont trente-neuf se trouvent en Afrique, pour les années fiscales allant de 2022 à 2025. Pour l’année fiscale qui s’est achevée en juin 2023, les pays africains ont reçu 75 % des engagements de subventions et de prêts à taux faibles de l’IDA.
L’IDA20 a pour objectif d’aider les pays bénéficiaires à réduire la pauvreté et à partager l’augmentation des richesses, à concentrer leurs moyens sur les réponses aux crises, sur la préparation pandémique, la résilience aux situations de fragilité et de conflit et le développement dans des conditions qui respectent le climat.
Selon les résultats préliminaires, l’IDA20 a permis jusqu’à présent de fournir des services essentiels de santé et de nutrition à 87 millions de personnes, d’améliorer l’accès à l’eau pour huit millions de personnes, d’apporter des services électriques à onze millions de personnes et des emplois à dix millions de personnes.
L’assistance accordée par l’IDA tire pour partie son efficacité du fait qu’environ 30 % de ses financements sont assurés par des subventions, qui s’avèrent d’une importance cruciale pour des pays en grand danger de détresse financière.
Mais cette efficacité traduit aussi la capacité de l’IDA d’emprunter sur les marchés de capitaux, ce qui lui permet de démultiplier chaque dollar accordé par les donateurs à la hauteur de presque quatre dollars d’aide financière aux pays bénéficiaires ; elle récompense aussi les efforts consentis à l’augmentation des moyens supplémentaires obtenus grâce à la collaboration avec d’autres partenaires du développement.
Ces moyens sont devenus indispensables, pour satisfaire une demande qui ne cesse de croître, dans le contexte de la « polycrise » des changements climatiques, de l’insécurité alimentaire et du Covid-19, qui se traduit par un besoin dramatique de financements en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes.
La réunion des cadres de la Banque mondiale et des responsables politiques nationaux à Zanzibar pour tirer le bilan de l’IDA20 permettra d’apprécier, au plus près, la capacité d’action et de transformation du financement du développement.
Malgré un environnement difficile, la Tanzanie peut s’enorgueillir d’une forte reprise post-pandémique, avec une économie qui a enregistré en 2022 une croissance de 4,6 % et prévoit pour cette année une augmentation de 5,1 % de sa production. Les réformes engagées afin de soutenir la compétitivité et d’améliorer l’environnement d’entreprise et d’investissement, mais aussi de réduire les coûts réglementaires, ont contribué à ces gains substantiels.
En outre, depuis 2017, le programme rural d’extension de l’électrification en Tanzanie, financé par la Banque mondiale, a permis de raccorder à un réseau électrique 4,5 millions de personnes, soit plus de 2,5 millions de personnes que l’objectif initial et l’un des taux d’extension de l’accès à l’électricité les plus élevés d’ASS. Le programme a aussi raccordé plus de 1 600 établissements de soins de santé et presque 6 000 écoles.
Il en résulte que des millions d’enfants peuvent désormais lire la nuit tombée, que les agriculteurs et les petites entreprises peuvent augmenter leur productivité et que les habitants des zones rurales peuvent entretenir leurs routes, leurs systèmes de drainage des eaux pluviales et d’éclairage à l’énergie solaire ou encore que les travaux de la digue de Zanzibar peuvent se poursuivre. En outre, à Dar es Salaam, de nouvelles routes, avec les infrastructures correspondantes, sont en construction.
Malgré ses succès, l’IDA20 ne peut répondre à tous les besoins de l’Afrique pour son développement.
Tandis que se prépare à Zanzibar l’IDA21, qui concerne les années fiscales 2026 à 2028, nous devons nous engager à ce que ce nouveau plan de financement soit le plus important jamais mobilisé. Pour cela, une hausse des contributions, que l’IDA pourra maximiser grâce à son modèle de financement innovant, est indispensable. En agissant ensemble, nous avons l’opportunité de libérer le potentiel des pays en développement et de créer un monde débarrassé de la pauvreté sur une planète où il sera possible de vivre.
Actu-Economie