Judith Godrèche entendue au Sénat ce jeudi : « Tout le monde savait », affirme l’actrice

©franck castel/MAXPPP - 22/02/2024 Judith Godreche, 49th Cesar Film Awards Ceremony PARIS, FRANCE - FEBRUARY 23. the 49th Cesar Film Awards at L Olympia on February 23, 2024 in Paris, France. (MaxPPP TagID: maxpeopleworldtwo274803.jpg) [Photo via MaxPPP]

L’actrice est entendue par le Sénat ce jeudi 29 février 2024. Judith Godrèche a notamment demandé une commission d’enquête contre les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma.

Judith Godrèche, entendue par le Sénat ce jeudi 29 février 2024, a demandé aux sénatrices et sénateurs de « m’aider à faire en sorte que les violences sexistes s’arrêtent dans mon milieu ». « Dans l’industrie du cinéma, aujourd’hui en 2024, nous décidons encore d’invisibiliser la souffrance des enfants », a-t-elle déploré, se disant émue d’être face au Sénat.

L’actrice, devenue porte-voix du mouvement Me Too, a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot – avec qui elle raconte avoir vécu une relation sous emprise quand elle était adolescente – et Jacques Doillon. Les deux réalisateurs nient tout viol ou agression. « Tout le monde savait », a-t-elle rappelé lors de cette audition, évoquant la « famille incestueuse » du cinéma.

Le président du Centre national du cinéma visé
Judith Godrèche a demandé une commission d’enquête contre les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma. Elle a aussi demandé le retrait du président du Centre national du cinéma, Dominique Boutonnat, mis en examen et renvoyé devant le tribunal correctionnel pour agressions sexuelles sur son filleul alors âgé de 21 ans.

L’actrice a également proposé d’imposer un référant adulte neutre, formé, pour chaque enfant sur un tournage afin « qu’un enfant ne soit jamais laissé seul sur un tournage », et que la Ddass fasse davantage de contrôles sur les tournages quand il y a des mineurs. Judith Godrèche a aussi plaidé pour que le juge Durand, évincé en décembre 2023 de la Commission indépendante contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), retrouve son poste.

Au delà des tournages, « sur les castings aussi il y a des abus », a-t-elle souligné.

« Je ne suis qu’un écho »
« Tout le monde sait que, dans l’industrie du cinéma, un agresseur déguisé en réalisateur fait souffrir les petites filles pour qu’elles pleurent pour de vrai », a confié Judith Godrèche.

L’actrice a aussi rappelé qu’elle était loin d’être la première à dénoncer de tels actes. « Face à vous, je ne suis qu’un boomerang, qu’un écho », a-t-elle affirmé, évoquant Camille Kouchner ou encore Vanessa Springora. Elle a aussi rendu hommage à Adèle Haenel.

« Quand on se fait violer dans le milieu du cinéma, on a le sentiment qu’on ne peut pas dénoncer. À qui parler ? À qui s’adresser ? », a-t-elle interrogé, rappelant que cela ne concerne pas que les actrices mais aussi toutes les techniciennes…

« Encore aujourd’hui, nombreuses sont les désenchantées, les filles de 15 ans.

Dans leur toute-puissance, les abuseurs déguisés en réalisateurs décident du moment où ils voleront la virginité d’une petite fille venue auditionner pour un rôle », a-t-elle déploré.

Judith Godrèche a été interrogée sur la question de savoir s’il faut séparer l’homme de l’artiste.

« C’est un sujet qui m’intéresse depuis que j’ai quinze ans. On peut en débattre dans des dîners mondains. C’est plus compliqué d’en débattre dans des dîners mondains quand l’homme qui a fait l’œuvre vous a violé », a-t-elle recentré. « En ce qui me concerne, je n’ai jamais pu séparer l’homme de l’œuvre », a ajouté Judith Godrèche.

« Dans six mois, ferez-vous semblant de ne pas m’avoir entendu ? », leur a lancé Judith Godrèche, alors que l’actrice dit avoir reçu 4 500 témoignages de victimes.

« Pour que les choses changent »
Cette audition a lieu en pleine nouvelle vague de MeToo dans le cinéma. « Aujourd’hui, elle témoigne pour que les choses changent et bougent », confiait mercredi à Ouest-France la sénatrice centriste Dominique Vérien, présidente de cette délégation du Sénat.

« Au-delà de sa propre histoire, elle veut que ça ne recommence pas et protéger », appuyait la sénatrice, interrogée par Ouest-France. « L’idée de l’audition est d’aller vers des propositions et voir ce qu’on peut faire en particulier dans le milieu du cinéma où des mineurs peuvent être amenés à travailler avec des réalisateurs », poursuivait-elle.

« Nous lui avons proposé de venir échanger avec notre délégation suite au témoignage qu’elle a livré à plusieurs reprises ces dernières semaines : celui d’une adolescente de 14 ans sous l’emprise écrasante d’un homme de 25 ans de plus qu’elle, violée et agressée sans avoir été protégée », a commencé Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat lors de l’audition, louant sa « force ».

« Si nous voulons aller plus loin dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma, et la protection des mineurs, nous avons besoin de vous, nous devons avancer ensemble », a-t-elle ajouté lors de l’audition, appelant à un « sursaut ».

ouest-france

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