« Oppenheimer », de Christopher Nolan, a remporté dimanche l’Oscar du meilleur film ainsi que plusieurs autres statuettes dont celles de meilleur réalisateur et de meilleur acteur. Le film français « Anatomie d’une chute » a lui été récompensé du prix du meilleur scénario original.
La déflagration annoncée a bien eu lieu : « Oppenheimer » a remporté dimanche 10 mars l’Oscar du meilleur film ainsi que six autres statuettes, lors d’une belle soirée pour le film français « Anatomie d’une chute », récompensé pour son scénario.
Auréolé de critiques dithyrambiques et d’un casting impeccable, le portrait du père de la bombe atomique brossé par Christopher Nolan a largement dominé la soirée. « Je ne saurais trop insister sur l’incroyable équipe que nous avons réunie pour ce film », a réagi le cinéaste, profitant de son prix du meilleur réalisateur pour remercier tous les acteurs.
Cillian Murphy, magistral en Robert Oppenheimer, génie nucléaire pétri de contradictions et de doutes, a lui remporté l’Oscar du meilleur acteur.
« Pour le meilleur ou pour le pire, nous vivons dans le monde d’Oppenheimer » et de la bombe atomique, a observé l’Irlandais. « J’aimerais donc vraiment dédier ce prix aux artisans de la paix dans le monde entier. »
Son antagoniste à l’écran, Robert Downey Jr, qui campe un bureaucrate conservateur orchestrant l’humiliation publique du scientifique, a raflé le prix du meilleur second rôle masculin.
Le sacre du film a été complété par d’autres statuettes techniques – montage, photographie, bande originale – à la hauteur de la réputation de chef d’œuvre populaire qu’il s’est forgé depuis sa sortie en salles cet été.
Meilleur scénario pour Justine Triet
« Anatomie d’une chute » n’a pas pu jouer les trouble-fêtes pour empêcher ce triomphe annoncé. Ce thriller judiciaire sur la dégringolade d’un couple dysfonctionnel d’artistes, où une écrivaine ambiguë incarnée par Sandra Hüller se retrouve accusée du meurtre de son mari, a dû se contenter d’un seul Oscar sur les cinq catégories où il était nommé : celui du meilleur scénario original.
« Cela m’aidera à traverser ma crise de la quarantaine », a plaisanté la cinéaste française Justine Triet, très émue, qui côtoyait Christopher Nolan et Martin Scorsese pour sa réalisation. « C’est une année folle », a-t-elle soufflé, aux côtés de son compagnon Arthur Harari, avec qui elle a coécrit le script.
Son œuvre s’impose en effet comme la meilleure représentante du cinéma français à l’international depuis « Amour », Oscar du meilleur film étranger en 2013, et « The Artist », qui avait raflé cinq statuettes en 2012. Palme d’or à Cannes, « Anatomie d’une chute » a notamment été récompensé par deux Golden Globes et un Bafta – l’équivalent britannique des César.
Emma Stone sacrée à nouveau
Emma Stone a été l’autre grande gagnante de la soirée. Après « La La Land » en 2017, l’actrice a raflé son deuxième Oscar de la meilleure actrice pour « Pauvres créatures ». Ce conte baroque de Yorgos Lanthimos a remporté au total quatre statuettes saluant son esthétique rétrofuturiste.
Emma Stone y incarne Bella Baxter, une suicidée ressuscitée par un scientifique foldingue qui lui implante le cerveau du bébé qu’elle portait en elle.
L’occasion pour elle de livrer une performance joyeusement régressive, en créature qui découvre le sexe et les mille autres plaisirs de la vie, sans aucune honte, ni préjugés. Ce rôle était le « cadeau d’une vie », a réagi l’actrice, remerciant son réalisateur et exprimant son admiration pour toutes ses concurrentes.
Cette catégorie était la plus serrée : Lily Gladstone, remarquable en Amérindienne empoisonnée par son mari dans « Killers of the Flower Moon », de Martin Scorsese, est donc repartie les mains vides.
Nommée pour « Anatomie d’une chute », Sandra Hüller a elle pu se consoler avec l’autre film dont elle était à l’affiche : « La Zone d’intérêt » a remporté l’Oscar du meilleur film international pour sa chronique de la vie insouciante d’une famille de nazis juste à côté du camp d’Auschwitz.
Gaza côtoie « Barbie »
Son réalisateur, Jonathan Glazer, a lancé un message de paix au Proche-Orient, actuellement miné par la guerre d’Israël à Gaza. « Notre film montre comment la déshumanisation mène au pire », a rappelé le cinéaste juif, estimant que les Israéliens morts le 7 octobre dans l’attaque du Hamas et les 31 000 morts palestiniens sont « tous victimes de cette déshumanisation ».
Plusieurs stars, dont Billie Eilish, Ramy Youssef et l’acteur français Swann Arlaud, ont arboré un pin’s appelant au cessez-le-feu, tandis que plusieurs petites manifestations de militants se déroulaient dans les rues de Los Angeles.
Les atrocités de la guerre en Ukraine ont également été évoquées, avec l’Oscar du meilleur documentaire attribué à « 20 jours à Marioupol », sur le siège de la ville.
Le reste de la soirée a été rythmé par les nombreux clins d’œil de l’humoriste Jimmy Kimmel au blockbuster « Barbie », roi absolu du box-office mondial l’an dernier. Billie Eilish a interprété le titre phare du film « What Was I Made For? », Oscar de la meilleure chanson. Et Ryan Gosling a mis le feu à la salle en costume rose à paillettes, en chantant sa balade narcissique « I’m Just Ken ».
Parmi les autres prix majeurs, Da’Vine Joy Randolph (« Winter Break ») a été élue meilleur second rôle féminin. « Le Garçon et le Héron », du maître japonais Hayao Miyazaki, a lui remporté l’Oscar du meilleur film d’animation.
AFP