Ingérences étrangères : une loi en passe d’être adoptée au Parlement

Les députés français devraient définitivement adopter mercredi une loi pour renforcer l’arsenal français contre les ingérences étrangères, toujours au cœur de l’actualité. Une partie de la gauche s’inquiète de dispositions qu’elle juge « contraires à l’État de droit ».

Déjà adopté au Sénat en début de semaine après un accord sur la version finale entre députés et sénateurs, le texte Renaissance visant à renforcer l’arsenal français contre les ingérences étrangères devrait passer son dernier obstacle à l’Assemblée nationale mercredi 5 juin, à quatre jours des élections européennes.

La proposition de loi entend améliorer la législation existante en créant notamment un registre national de l’influence et une procédure de gel des avoirs financiers, et en renforçant à titre expérimental cette lutte par une surveillance algorithmique aujourd’hui réservée à l’antiterrorisme.

Le texte avait été initié sur la base de travaux de la délégation parlementaire au renseignement par le président de la commission des lois, Sacha Houlié, avec son homologue de la commission de la défense, Thomas Gassilloud, et la députée Constance Le Grip.

Sacha Houlié, député du groupe Renaissance et président de la commission des lois, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 14 mai 2024.

 

« Je crains qu’il y ait encore un peu de naïveté » dans l’opinion publique au sujet des ingérences, poursuit Constance Le Grip, tout en saluant une forme de « prise de conscience » et le travail effectué par les services de renseignement et les ministères régaliens.

La rapporteuse au Sénat, Agnès Canayer, membre du groupe Les Républicains, a salué un texte qui vient combler certaines « lacunes de notre droit ».

À l’Assemblée, la droite et le Rassemblement national devraient à nouveau soutenir la proposition de loi mercredi, même si les députés d’extrême droite vont, sans doute, critiquer, comme en première lecture, un manque d’ambition et remettre en cause les accusations de connivence avec la Russie.

Registre national pour le lobbying étranger

La gauche devrait en revanche se diviser. Si les députés socialistes pourraient voter pour, les communistes et insoumis s’apprêtent à voter contre.

« C’est un texte fait à la va-vite, qui ne répond pas aux enjeux et ouvre la voie à des contrôles algorithmiques contraires à l’État de droit », critique Bastien Lachaud (La France insoumise). Dans son viseur : l’élargissement aux cas d’ingérences étrangères d’un dispositif expérimental de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexion sur Internet.

Il était jusque-là restreint au terrorisme.

Le député du parti La France insoumise (LFI) Bastien Lachaud lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 27 février 2024.

« Il est impératif que le Conseil constitutionnel se saisisse de la question », insiste Bastien Lachaud.

La proposition de loi entend également obliger des représentants d’intérêts étrangers qui font du lobbying en France, notamment auprès d’élus, de s’inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants.

Seront concernées « les personnes physiques ou morales » qui tenteraient d' »influer sur la décision publique » ou les politiques publiques françaises, en entrant par exemple en contact avec des parlementaires, des ministres, certains élus locaux ou encore d’anciens présidents de la République.

Les entités étrangères considérées comme commanditaires potentiels seraient des entreprises contrôlées par des États, des partis politiques hors UE ou les puissances étrangères elles-mêmes, toujours extérieures à l’Union européenne.

Géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), ce registre entrerait en vigueur le 1er juillet 2025, le délai devant permettre de doter l’institution des fonds et équipes suffisantes.

Le texte prévoit également un gel des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d’ingérence.

Il étend également le pouvoir de contrôle de la HATVP, qui pourra se prononcer pendant cinq ans – et non plus trois – sur le passage dans le privé d’un responsable public, un ancien ministre par exemple, quand ce contrôle est « exercé au regard d’un risque d’influence étrangère ».

Son examen à quelques jours des élections européennes aura forcément une dimension politique. « Ce qui se joue » dimanche, « c’est notre capacité à nous défendre » face aux « ingérences » étrangères, a encore lancé le Premier ministre Gabriel Attal mardi, lors des questions au gouvernement.

AFP

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