Lors d’entretiens accordés jeudi à l’Agence France-Presse et à France 2, Bassirou Diomaye Faye a défendu la « souveraineté » du Sénégal qui « ne s’accommode pas de la présence de bases militaires », alors que plusieurs centaines de soldats français sont présents dans le pays. « Est-ce que pour autant, on parle de rupture ? Non », a assuré par ailleurs le président sénégalais.
Pas de « rupture », mais un changement exigé. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a indiqué jeudi 28 novembre dans des entretiens à l’AFP et à France 2 que la France allait devoir fermer ses bases militaires au Sénégal, dont la présence est incompatible selon lui avec la souveraineté de son pays.
« Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain », a dit Bassirou Diomaye Faye dans l’entretien à l’AFP réalisé au palais présidentiel.
🇸🇳🔴🗣 "La France a esclavagisé, colonisé, et est restée. Si vous inversez les rôles, vous concevrez très mal qu'une autre armée puisse avoir une base militaire en France"
EXCLU #JT20h : le président Bassirou Diomaye Faye s'exprime sur la présence militaire française au Sénégal. pic.twitter.com/AeYtLCUz9g
— Le20h-France Télévisions (@le20hfrancetele) November 28, 2024
Bassirou Diomaye Faye, élu en mars sur la promesse de rétablir la souveraineté de son pays, a assuré qu’il ne s’agissait pas d’un acte de « rupture » et a défendu un « partenariat rénové » avec l’ancienne puissance coloniale.
Il a salué comme un « grand pas » le fait que le président français Emmanuel Macron ait reconnu dans une lettre que les forces coloniales françaises avaient commis un « massacre » à Thiaroye, près de Dakar, le 1er décembre 1944, en ouvrant le feu contre des Tirailleurs sénégalais rentrés de France.
Un « partenariat dépouillé de la présence militaire »
Bassirou Diomaye Faye a réaffirmé sa volonté de diversifier les partenaires de son pays, qui cherche à se développer et à rester l’interlocuteur du plus grand nombre alors que des pays du Sahel voisin passés sous le gouvernement de militaires ont abruptement rompu avec la France et se sont tournés vers la Russie.
« La France reste un partenaire important pour le Sénégal au regard du niveau d’investissements, de la présence de sociétés françaises et même de citoyens français qui sont au Sénégal », a dit Bassirou Diomaye Faye. Mais, 64 ans après l’indépendance, « les autorités françaises doivent envisager d’avoir un partenariat dépouillé de cette présence militaire-là, mais qui soit un partenariat riche, un partenariat fécond, un partenariat privilégié et global comme nous l’avons avec beaucoup d’autres pays », a-t-il dit.
« Présence militaire ou absence militaire ne doit pas être égal à rupture », a-t-il dit, soulignant l’existence de relations entre le Sénégal et des pays comme la Chine, la Turquie, les États-Unis ou l’Arabie saoudite. « Tous ces pays-là n’ont pas de base militaire au Sénégal », a-t-il rappelé.
« Aujourd’hui, la Chine est notre premier partenaire commercial par le volume des investissements et des échanges. Est-ce que la Chine a une présence militaire au Sénégal ? Non. Est-ce que pour autant, on parle de rupture ? Non », a-t-il insisté.
Bassirou Diomaye Faye a évoqué une mise à jour prochaine de la doctrine de la coopération militaire.
Cette actualisation « impose évidemment qu’il n’y ait plus de bases militaires de quelque pays que ce soit au Sénégal, mais elle impose aussi d’autres évolutions dans la coopération militaire avec ces différents pays qui entendent encore la maintenir (la coopération) avec le Sénégal », a-t-il dit.
La France a décidé de réduire fortement sa présence militaire en Afrique. Au début de l’été, deux sources proches de l’exécutif français et une source militaire avaient confié à l’AFP que l’intention était de conserver une centaine de militaires au Gabon (contre 350 alors), autant au Sénégal (contre 350) et en Côte d’Ivoire (600 auparavant) ainsi que quelque 300 au Tchad (contre 1 000).
L’Élysée a annoncé cette semaine que l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, avait remis au président français son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire en Afrique, qui prône un partenariat « renouvelé » et « coconstruit ».
AFP