C’est désormais officiel. Avec le retour de Donald Trump (photo) à la Maison-Blanche, les États-Unis se préparent à un nouvel âge d’or de la production pétrolière, avec une stratégie claire : augmenter les volumes extraits, notamment grâce au pétrole de schiste, pour dominer encore davantage le marché mondial. Le mot d’ordre reste inchangé : « drill, baby, drill ».
À l’instar du candidat républicain John McCain et sa colistière Sarah Palin en 2008, Donald Trump a répété aux Américains pendant toute sa campagne électorale que les États-Unis produiront davantage de pétrole, afin d’obtenir des prix plus abordables à la pompe. Une promesse électorale qui inquiète les pays producteurs de pétrole brut.
La dernière administration Trump a démontré les conséquences de cette politique : une inondation du marché mondial, des prix chutant sous les 50 dollars le baril à plusieurs reprises et des recettes publiques des pays producteurs, gravement affectées.
En cas de nouveau choc pétrolier, de gros producteurs comme l’Arabie saoudite ont largement les moyens d’en atténuer l’impact sur leurs économies. Le Royaume peut compter sur ses fonds souverains et son accès privilégié aux emprunts internationaux. Cependant, une baisse prolongée pourrait le contraindre à ralentir ses ambitieux projets tels que la ville futuriste NEOM, évaluée à 500 milliards de dollars.
Mais les choses ne seront pas aussi simples pour les grands producteurs de pétrole africains.
Ces économies, largement tributaires des revenus pétroliers, ont vu leur équilibre budgétaire s’effondrer la dernière fois que les États-Unis ont inondé le marché, alors que l’industrie peinait encore à se relever de la crise de 2014, déclenchée par le boom du schiste. Les exemples abondent : le Nigeria, alors principal exportateur de pétrole d’Afrique, a connu une crise monétaire sans précédent, tandis que l’Angola a été contraint de renégocier sa dette extérieure en 2018.
Face à cette hémorragie, un consensus semblait naître chez les exportateurs africains : la diversification économique. Des plans de développement agricole, des investissements dans les infrastructures et des tentatives d’industrialisation étaient annoncés comme les piliers d’une transition attendue depuis des décennies.
À l’époque, en septembre 2017, Aliko Dangote avait salué la valse des annonces de diversification économique, notamment au Nigeria, en indiquant qu’il fallait que les prix du pétrole continuent de rester faibles. Et d’indiquer que le continent a le potentiel pour devenir « le panier alimentaire du monde ». Faisant le lien entre le secteur pétrolier et l’agriculture, il a ajouté : « le pétrole doit être la cerise sur le gâteau. Nous avons déjà le gâteau [le potentiel agricole, Ndlr] ».
Mais dès que les prix du pétrole ont rebondi grâce à une réduction volontaire de l’offre par l’OPEP+ et une accalmie dans la production américaine, ces ambitions ont été reléguées au second plan.
Avec Trump dans le bureau ovale, la dynamique risque de s’inverser une fois de plus. Si le marché mondial du pétrole est à nouveau saturé et que les prix chutent, les pays africains producteurs pourraient entrer dans une nouvelle spirale de difficultés économiques. L’impact serait d’autant plus lourd qu’aujourd’hui, les dettes publiques sont plus élevées qu’en 2017, et l’espace budgétaire pour amortir un tel choc quasi inexistant.
Ce scénario pose une question fondamentale : les politiques de diversification économique seront-elles, cette fois-ci, à la hauteur des défis ? L’Angola, par exemple, poursuivra-t-il ses efforts pour développer ses secteurs minier et agricole ? Le Nigeria réussira-t-il à transformer en actions concrètes ses multiples réformes annoncées sur la monnaie et les subventions énergétiques ?
L’enjeu va bien au-delà des seuls chiffres budgétaires. Une nouvelle chute des prix du pétrole entraînerait une baisse des rentrées de devises et fragiliserait davantage les monnaies locales, avec tout ce que cela implique comme conséquences sur la consommation domestique. Un tel contexte pourrait exacerber le mécontentement social, déjà nourri par des décennies de promesses non tenues.
Les pays africains producteurs de pétrole ne peuvent se permettre d’attendre que la tempête passe.
Chaque chute des prix révèle une fois de plus leur dépendance excessive à une unique ressource. Les annonces de diversification doivent se traduire par des projets tangibles, capables de résister aux fluctuations du marché pétrolier.
Trump ou pas, l’avenir de ces économies repose sur leur capacité à faire de cette nouvelle symphonie de la diversification un véritable tournant. Sinon, ce ne sera qu’une nouvelle variation sur un thème ancien : attendre une nouvelle embellie pétrolière, une fois la zone des turbulences franchie.
Quoi qu’il en soit, une nouvelle baisse des prix du pétrole semble inévitable. Tous les pays africains, producteurs de pétrole, qui ont échoué à diversifier leurs économies doivent s’y préparer.
Ecofin