L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, mirage ou réelle perspective ?

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réaffirmé mardi vouloir bénéficier d’une « procédure spéciale » pour rejoindre l’UE, une démarche soutenue par les eurodéputés et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission. Mais cet appui est pour l’heure essentiellement symbolique. Dans les faits, le processus d’adhésion à l’UE est long, complexe et nécessite surtout l’unanimité des Ving-Sept.

« Ne nous lâchez pas. » C’est le message fort qu’a adressé, mardi 1er mars, le président ukrainien à l’Union européenne. Lors d’un discours vidéo retransmis au Parlement à Bruxelles, Volodymyr Zelensky a de nouveau demandé à bénéficier d’une « procédure spéciale » pour que son pays puisse adhérer rapidement à l’UE.

Dans une lettre ouverte, huit pays de l’Union – la République tchèque, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, l’Estonie, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie – ont appelé à ouvrir ces discussions d’adhésion.

« Ils sont des nôtres, et nous voulons qu’ils soient à l’intérieur », a même lancé dimanche la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans un entretien à Euronews.

Une sortie que de nombreux diplomates jugent cependant hasardeuse, en plein conflit armé avec la Russie et alors que Vladimir Poutine a posé comme condition pour retirer ses troupes une « finlandisation » de l’Ukraine, c’est-à-dire un statut de neutralité totale.

« L’urgence n’est pas de faire entrer l’Ukraine dans l’Union européenne mais de faire sortir la Russie d’Ukraine », a résumé mercredi l’ancien président français François Hollande, dans un entretien accordé à la presse régionale.

« Une procédure spéciale » est-elle possible ?
Malgré ces réserves, la guerre en Ukraine pourrait-elle servir d’accélérateur à l’adhésion de Kiev à l’Union européenne ? En réalité, l’UE n’a prévu aucune « procédure spéciale ». Pour en faire bénéficier l’Ukraine, il faudrait l’inventer et donc modifier les traités, ce qui prendrait plusieurs années.

« On voit bien que cette solution n’est pas viable à court terme », confirme Pascale Joannin, la directrice générale de la Fondation Robert Schuman, contactée par France 24. « En réalité, on ne pourra pas aller plus vite pour l’Ukraine que pour les autres États membres. D’expérience, on sait que cela prend environ une dizaine d’années », ajoute l’experte des questions européennes.

À moins de violer le droit européen, l’entrée à court terme de l’Ukraine dans le club très fermé des Vingt-Sept semble compromise. D’autant qu’une adhésion immédiate aurait pour conséquence de plonger l’UE en état de guerre, note le journaliste Jean Quatremer, fin connaisseur des arcanes européens, dans le journal Libération. En cause, un article du traité de Lisbonne de 2007 qui contient une « clause d’assistance mutuelle », à la manière de l’article 5 du traité de l’Otan.

Un processus laborieux
L’Ukraine n’aura donc d’autre choix que de passer par le chemin long et difficile de la procédure standard. Première étape : la candidature doit être officiellement acceptée par la Commission, le Parlement européen, les États membres puis validée par le Conseil européen (les chefs d’État et de gouvernement) à l’unanimité.

« Mais il y a différentes opinions et sensibilités au sein de l’UE sur l’élargissement », a prévenu lundi Charles Michel, douchant l’enthousiasme exprimé par la présidente de la Commission. « L’Ukraine va transmettre une demande officielle, la Commission européenne devra exprimer un avis officiel et le Conseil se prononcera », a rappelé le président du Conseil européen.

Commencerait alors une procédure lourde et complexe au cours de laquelle l’Ukraine devrait se conformer aux critères de 35 chapitres couvrant tous les secteurs de l’activité de l’UE. « On demande au candidat de se mettre au niveau des normes et des lois qui sont celles en vigueur dans l’Union en matière d’énergie, d’environnement, de fiscalité, de politique sociale… », précise Pascale Joannin.

Une dernière phase comprend la signature d’un traité d’adhésion entre les États membres et l’État candidat. Ce traité doit ensuite être ratifié par l’État adhérent et par l’ensemble des États membres, sans exception.

Vocation européenne de l’Ukraine
Après avoir décidé de lourdes sanctions économiques contre Moscou et d’une d’aide militaire à Kiev, les institutions européennes veulent avant tout réaffirmer ici leur solidarité vis-à-vis de leur voisin ainsi que la vocation européenne de l’Ukraine.

Après les déclarations d’Ursula von der Leyen, les eurodéputés doivent voter mardi une résolution soutenant la perspective d’une candidature de Kiev à l’UE lors d’une session extraordinaire du Parlement. Un texte sans force contraignante et dont la valeur reste là encore symbolique.

« Ce que font les députés et les leaders européens est remarqué et attendu par la population ukrainienne. Dans ces heures graves, c’est la moindre des choses que les institutions et les élus européens soient au rendez-vous de ce moment historique », affirme auprès de France 24 Antoine Guéry, porte-parole de Stéphane Séjourné, le président du groupe Renew Europe au Parlement européen, dont font partie les eurodéputés français macronistes.

En attendant d’obtenir un statut de candidat, l’Ukraine pourrait être associée plus étroitement à la vie des institutions européennes. Charles Michel a notamment promis d’inviter Volodymyr Zelensky à participer régulièrement aux sommets des chefs d’État et de gouvernement.

Ces dernières années, Kiev s’est considérablement rapprochée de Bruxelles à travers un accord d’association incluant un accord de libre-échange signé fin 2014 par Petro Porochenko. L’accord d’association est souvent considéré comme l’antichambre d’une adhésion à l’Union européenne.

À l’époque, le Kremlin avait fait pression sur l’ex-président Viktor Ianoukovitch pour qu’il rejette un tel accord, suscitant un vaste mouvement proeuropéen, connu sous le nom de « révolution de Maïdan ».

« L’accord d’association avait provoqué Maïdan mais aussi la première invasion en Crimée », assure Antoine Guéry. « Cela prouve que pour la Russie et pour Vladimir Poutine, le problème ce n’est pas l’Otan » mais bien le cheminement de l’Ukraine vers un avenir européen.

france24

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