Macron 2 : la nouvelle donne

La chasse au Macron est de toutes les saisons. Sitôt réélu (58,5 %), voici le président de la République derechef poursuivi par une meute de revanchards. Tous derrière et lui devant. Dès l’entre-deux-tours, Jean-Luc Mélenchon a été le premier à sonner l’hallali : les législatives de juin seraient l’occasion de piéger enfin l’insaisissable de l’Elysée. Le chef des « insoumis », qui se projette déjà à Matignon, a fait mine d’enjamber le résultat de l’élection présidentielle et promis d’imposer une « autre politique », si son Union populaire élargie l’emporte dans deux mois. Ce dimanche 24 avril, l’air bougon et sans reprendre la pose du Tartarin de Matignon, il a réaffirmé ses intentions : « Le troisième tour commence ce soir. »

Jean-Luc Mélenchon : « Ne vous résignez pas, le troisième tour commence »
Les autres grands veneurs du pays lui ont emboîté le pas. Forte de ses 41,4 % historiques au second tour – « une éclatante victoire », a-t-elle dit –, Marine Le Pen entend « poursuivre son engagement pour la France et les Français ». La candidate du Rassemblement national (RN) a lancé, elle aussi, « la grande bataille électorale des législatives » : « Le RN œuvrera à unir tous ceux, d’où qu’ils viennent, qui veulent se rassembler contre la politique d’Emmanuel Macron. » Même Christian Jacob, président du parti Les Républicains (LR) dont la candidate a été éliminée dès le premier tour avec moins de 5 % des suffrages, n’a vu dans le scrutin présidentiel qu’un « vote de désespérance » marqué par l’abstention et les suffrages aux extrêmes et veut croire à une revanche aux législatives : « A la différence de la majorité présidentielle, nous avons des élus qui ont un ancrage, qui connaissent leurs territoires. C’est une nouvelle campagne qui commence. »

Rendez-vous les 12 et 19 juin pour le tir au pigeon de l’Elysée ? Accusé une nouvelle fois d’avoir « volé » la victoire après avoir « escamoté » la campagne, Emmanuel Macron n’a guère dévoilé son jeu. Dans un discours sans relief, il s’est contenté de remercier ses soutiens sagement massés au pied de la tour Eiffel, de faire de belles images pour l’Histoire et de promettre une « nouvelle ère » dont il s’est bien gardé de définir les contours. « Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir », a-t-il fait valoir. Et de répéter qu’il mettrait bientôt en œuvre « méthode refondée » pour gouverner le pays, assurant que « nul se sera laissé au bord du chemin ».

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« Tout ça pour ça ? Qu’entend-il par là ? Va-t-il changer enfin ? En est-il seulement capable ? », s’étranglent déjà ses poursuivants. A l’évidence, l’allocution du Champ-de-Mars n’était destinée qu’à faire monter les attentes et les spéculations. A peine réélu, Emmanuel Macron est redevenu le maître des horloges qu’il a bien fallu cesser d’être le temps d’une brève campagne. « Je ne suis plus le candidat d’un camp mais le président de tous », a-t-il réaffirmé. A lui l’initiative, seul en piste et dans cette position de surplomb élyséen qu’il affectionne et qui fait tant rager ses adversaires. « Qu’ils viennent me chercher », semblait-il redire.

Réflexe légitimiste
A la différence de ses opposants, le président reconduit n’a pas évoqué, dimanche soir, la prochaine bataille des législatives. Ce n’était pas de son niveau. Dans le secret de l’Elysée, il lui appartient désormais de choisir un nouveau Premier ministre qui devrait être désigné au début de la semaine du 2 mai afin de former un nouveau gouvernement. Par ce choix crucial, il s’agit d’imprimer le nouveau cours de son second quinquennat. Puis de doser savamment la composition d’un gouvernement qui retiendra toute l’attention des commentateurs et, sans doute, des électeurs des législatives. En 2017, déjà, Emmanuel Macron avait procédé de la sorte en désignant l’inconnu Edouard Philippe à Matignon et en pratiquant sa grande ouverture vers la droite républicaine.

Les leçons qu’Emmanuel Macron doit tirer de sa réélection
Comment obtenir, cinq ans plus tard, une majorité à l’Assemblée afin de pouvoir gouverner ? Fidèle à sa méthode qui lui a permis jusqu’à présent de se jouer des oppositions, Emmanuel Macron reste plus que jamais adepte du « dépassement » du clivage droite-gauche. Il y a donc fort à parier que le nouvel homme – ou plutôt la nouvelle femme – qui sera choisi pour diriger le gouvernement devra contenter la droite – très majoritaire dans l’opinion – et la gauche – à laquelle Emmanuelle Macron doit en partie sa réélection. Une femme de droite chargée de la « planification écologique » et de la lutte contre la vie chère ? Voici à quoi ressemble la fiche de poste. Reste à dénicher la perle rare…

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C’est en proposant une nouvelle offre – et donc un nouveau visage – qu’Emmanuel Macron peut espérer convaincre les électeurs des législatives et provoquer ce réflexe légitimiste qui assure généralement à un président nouvellement élu de disposer d’une majorité parlementaire. Aussi désireux soient-ils d’en découdre, Mélenchon, Le Pen, Zemmour et les autres doivent désormais attendre que le lièvre de l’Elysée détale. Il est plus prompt que jamais et peut changer de direction sans crier gare. Il court, il court, le Macron et pourrait bien leur filer entre les jambes.

lobs

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