Le milliardaire Peter Thiel est devenu l’un des plus importants donateurs pour les candidats républicains. Il a déjà misé 30 millions de dollars sur une quinzaine de personnalités politiques qui ont toutes en commun d’être encore plus trumpistes que Donald Trump. Pour ses détracteurs, il ne s’agit pas seulement de faire barrage aux démocrates, mais de saper les fondements du régime politique américain.
Il leur a donné 10 millions de dollars chacun pour gagner en novembre. J.D. Vance et Blake Masters, respectivement candidats républicains pour les élections législatives de mi-mandat dans l’Ohio et l’Arizona, peuvent compter sur le soutien du très fortuné et redouté enfant terrible de la tech Peter Thiel.
Ce généreux financement politique s’explique en partie par le fait que les deux candidats ont travaillé pour Peter Thiel, l’un des cofondateurs du site de paiement en ligne PayPal, avant de se lancer en politique. Mais, surtout, J.D. Vance et Blake Masters représentent tout ce que l’entrepreneur milliardaire veut voir triompher à droite en novembre : des candidats qui s’affichent plus trumpistes que Donald Trump lui-même, n’ont pas peur de mettre les deux pieds dans le plat du conspirationnisme et prônent des valeurs aussi « anti-establishment » que possible, affirme le Guardian, dans un article publié samedi 15 octobre.
Des candidats adoubés par les suprémacistes américains
Peter Thiel, qui n’avait plus financé de candidat à une élection depuis son soutien à Donald Trump en 2016, a déjà misé plus de 30 millions de dollars sur une quinzaine de candidats républicains pour ce scrutin, peut-on lire sur le site OpenSecrets, mardi 18 octobre.
Un montant qui ne fait pas de lui le plus important donateur à droite de l’échiquier politique. C’est un privilège qui échoit à Ken Griffin, le puissant PDG du fonds spéculatif Citadel, qui a déjà donné plus de 50 millions de dollars à des candidats républicains.
Mais alors que les autres millionnaires conservateurs financent essentiellement des candidats plus modérés, Peter Thiel semble s’être spécialisé dans le soutien aux républicains les plus enragés. Ce qui lui vaut d’avoir été qualifié de nouveau « faiseur de rois » de la droite radicale par le New York Times en février 2022.
L’écrivain J.D. Vance, par exemple, est passé de grand détracteur de Donald Trump en 2016 à béni-oui-oui du trumpisme en 2022. Il ne manque pas une occasion de dénoncer « l’invasion des immigrés », de s’en prendre aux élites qui contrôleraient tout depuis Washington et de s’afficher avec les figures les plus controversées des alliés de l’ex-président des États-Unis, comme Marjorie Taylor Greene.
Blake Masters, quant à lui, a flirté tant de fois avec des thèses racistes qu’il a même reçu le soutien officiel de divers mouvements suprémacistes blancs pour les élections de novembre. Il juge aussi que le gouvernement et les politiciens au Congrès sont peu ou prou tous des « psychopathes dont il faudrait se débarrasser ».
Peter Thiel ne semble « soutenir que les candidats susceptibles de saper les fondements du régime politique américain », s’alarme The Guardian. Une stratégie qui cadre bien avec la philosophie politique de celui qui a fait fortune au début des années 2000 et compte parmi les figures les plus influentes de la Silicon Valley encore aujourd’hui.
PayPal et Facebook
Né en Allemagne en 1967, il immigre aux États-Unis à la fin des années 1970. Après des études à Stanford, il se lance dans l’entrepreneuriat et s’installe dans la Silicon Valley. C’est là qu’il rencontre l’homme avec qui il va faire fortune : Elon Musk. Ensemble, ils vont bâtir PayPal qui sera revendu à eBay pour 1,2 milliard de dollars en 2002.
Peter Thiel se mue alors en investisseur pour petites start-up aux grandes ambitions. C’est lui qui deviendra le premier investisseur extérieur de Facebook, dont il acquiert 7 % alors que le réseau social commençait à peine à décoller. Un flair qui lui vaudra non seulement plus tard une aura quasi mystique au sein de la communauté des investisseurs, mais surtout une confortable plus-value dépassant le milliard de dollars lorsqu’il revend une partie de ses parts en 2012.
Il se servira de cette fortune pour soutenir divers projets plus ou moins controversés, tels que la start-up Palantir, le « Big Brother du Big Data », qui est l’une des principales bêtes noires des défenseurs de données privées sur Internet.
Mais il utilise aussi son argent pour tenter d’avancer ses pions idéologiques. Car Peter Thiel se targue de ne pas être comme l’écrasante majorité des entrepreneurs tech, passés par des études d’ingénieur ou de commerce. Lui a fait des études de philosophie et se présente comme un grand admirateur et un fin connaisseur de la pensée du philosophe chrétien français René Girard, souligne le Financial Times.
Cette formation « intellectuelle » aurait en grande partie façonné ses convictions libertariennes des plus radicales, qui sont à l’origine de son engagement politique, affirme le quotidien financier britannique. Peter Thiel pousse ainsi très loin la défiance envers l’État qui caractérise les libertariens. En 2009, il a ainsi écrit une tribune dans laquelle il affirme « qu’il ne croit plus que la démocratie peut être compatible avec la liberté ».
Malte pour fuir les démocrates ?
Pour lui, le gouvernement, le système éducatif et le Parti démocrate veulent tous créer une sorte de société de la pensée unique qu’il faut combattre à tout prix ou, à défaut, fuir. Peter Thiel a ainsi mis en place depuis 2011 une fondation qui fournit 100 000 dollars à une sélection d’étudiants qui, chaque année, décident de quitter les études pour se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat, Thiel Fellowship. Le milliardaire assure que c’est pour réduire le poids de la dette étudiante, mais c’est surtout une manière de tenter de discréditer le système éducatif. Le président de l’université de Harvard à l’époque, Larry Summers, ne s’y était pas trompé, dénonçant ce qu’il a appelé « une idée extrêmement dangereuse » pour la démocratie.
Il a aussi financé des projets de construction de villes flottantes en mer qui seraient pour lui le meilleur moyen d’échapper à l’influence de l’État
En politique, Peter Thiel pensait en 2016 avoir trouvé la perle rare avec Donald Trump. Un homme d’affaires qui promet de mettre à bas l’establishment ? De quoi faire saliver Peter Thiel qui lui avait fait une donation de campagne d’1,25 million de dollars.
Mais quatre ans plus tard, il avait reconnu que son poulain l’avait déçu et qu’il ne comptait pas le soutenir une nouvelle fois pour la présidentielle de 2020. Pourquoi, alors, revenir plus trumpiste que jamais en 2022 ? Pour le Guardian, les mesures sanitaires pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont achevé de convaincre le milliardaire que l’État était l’ennemi des libertés individuelles et qu’il fallait envoyer au Congrès des représentants capables de détruire le système de l’intérieur. « Quand vous avez un donateur qui soutient des candidats militant activement pour faire annuler la dernière élection présidentielle, c’est un assaut direct contre la démocratie », ajoute au New York Times Lee Drutman, un militant de New Democracy, un groupe marqué à gauche qui étudie les financements politiques.
Et si son plan ne fonctionne pas, Peter Thiel pourra toujours émigrer à Malte. Il a, en effet, entamé les démarches pour obtenir, contre un investissement conséquent, la citoyenneté de cette petite île en Méditerranée, a révélé le New York Times, samedi 15 octobre. Une destination, précise le journal, très prisée « par les riches Saoudiens, Russes ou Chinois qui veulent se ménager une porte de sortie en cas de tensions sociales et politiques dans leur pays ».
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