L’Allemagne s’est doté, mardi, d’un nouveau ministre de la Défense : Boris Pistorius. Cet élu régional aguerri va bientôt faire ses grands débuts au gouvernement à un poste très exposé, au moment où le pays est pressé de fournir plus d’armes lourdes à l’Ukraine.
Un remplaçant de Christine Lambrecht au pied levé. Après la démission de cette dernière, lundi, en raison d’une série de gaffes, Boris Pistorius a été choisi, mardi 17 janvier, pour devenir le prochain ministre allemand de la Défense. Ce social-démocrate de 62 ans est un élu régional aguerri mais quasi inconnu au niveau national.
Ministre de l’Intérieur de Basse-Saxe depuis 2013, il est un « homme politique hautement expérimenté, qui a fait ses preuves dans l’administration, qui s’occupe de politique de sécurité depuis des années », a déclaré le chancelier Olaf Scholz dans un communiqué. Il est « (…) exactement la bonne personne pour mener la Bundeswehr à travers ce changement d’époque », a-t-il assuré.
L’intéressé a d’ores et déjà promis aux soldats qu’ils pouvaient « compter sur lui » pour « rendre l’armée forte pour la période à venir », lors d’une déclaration à la presse.
Le remaniement intervient alors que l’Allemagne subit la pression de plusieurs pays alliés, en premier lieu la Pologne, pour livrer des chars d’assaut lourds de fabrication allemande Leopard afin d’aider Kiev à repousser l’invasion russe.
Une réunion cruciale des ministres de la Défense occidentaux, autour des États-Unis, se tient vendredi en Allemagne. Il devrait en théorie y participer, le chef de l’État, Frank-Walter Steinmeier, devant entériner sa nomination officiellement jeudi.
Ambitions nationales contrariées… jusqu’à maintenant
Sa nomination est une surprise car il n’appartenait pas au cercle des candidats potentiels cités par la presse. Lui-même a déclaré qu’il ne s’y attendait pas.
De plus, le retour de ce portefeuille à un ministre – après trois femmes à ce poste depuis 2013 – remet en cause la promesse d’Olaf Scholz de maintenir la parité dans le gouvernement qu’il dirige depuis décembre 2021, ce qui fait grincer des dents dans les partis de la coalition entre sociaux-démocrates, écologistes et libéraux.
Comme sa prédécesseure, Boris Pistorius est juriste de formation et issu du parti politique du chancelier. Comme Olaf Scholz ou encore l’ancien chancelier Gerhard Schröder (1998-2005), il est originaire de la région de Basse-Saxe, dans le nord de l’Allemagne.
Il s’est spécialisé dans les questions de cybersécurité, de sécurité intérieure et de politique migratoire. Il fut également maire de Osnabrück entre 2006 et 2013.
Ces dernières années, il n’a pas caché ses ambitions nationales. Une tentative d’accéder en 2019 à la présidence du Parti social-démocrate avait toutefois échoué. Puis, en 2021, ce veuf qui fut un temps en couple avec Doris Schröder-Köpf – l’ex-épouse de Gerhard Schröeder – avait été considéré comme un candidat potentiel à un poste ministériel lors de la formation du gouvernement. Mais là aussi, il était ressorti bredouille.
Un « général rouge » qui ne fait pas l’unanimité au sein de la coalition au pouvoir
La tâche sera lourde pour ce baron régional à la tête d’un ministère qui a rarement réussi à son occupant, souligne Der Spiegel. « L’État des troupes est déplorable, et l’armée a besoin plus que jamais d’être réformée dans le contexte de l’invasion russe en Ukraine », pointe le magazine. Son franc-parler et sa capacité à s’imposer pourraient toutefois l’aider, ajoute le magazine qui le surnomme le « général rouge ».
Conséquence d’années de vaches maigres imposées à la Bundeswehr dans le sillage de la fin de la guerre froide, le matériel manque cruellement ou bien s’avère vétuste. Mi-décembre, Berlin a dû suspendre de nouvelles commandes de blindés Puma après une série de pannes frappant les blindés déjà utilisés par l’armée.
Après l’invasion du 24 février, Olaf Scholz avait annoncé un « changement d’époque » pour la défense allemande, prévoyant un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour la moderniser.
Christine Lambrecht n’a toutefois pas su inspirer ce changement dans un poste où elle semblait depuis le début mal à l’aise. Très critiquée après un enchaînement de maladresses, elle a jeté l’éponge, invoquant une « focalisation des médias » sur sa personne l’empêchant, selon elle, de mener sa tâche à bien.
Boris Pistorius saura-t-il relever le défi ? Si plusieurs ténors des partis de la coalition s’en disaient persuadés mardi, il en va autrement des conservateurs qui lui reprochent un manque de compétences alors que son expérience de l’armée se résume à un service militaire obligatoire.
« C’est un choix issu de l’équipe B », a lâché Johann Wadephul, vice-président du groupe parlementaire conservateur.
AFP