Le plus grand procès de militants pro-démocratie à Hong Kong s’est ouvert lundi pour quatre mois. Une cinquantaine de personnes sont accusées d’avoir voulu renverser l’exécutif.
Les 47 accusés seront jugés pour avoir enfreint la drastique loi sur la sécurité nationale, des faits passibles de la prison à vie, dans une affaire devenue pour les détracteurs de Pékin le symbole de la criminalisation de la dissidence à Hong Kong.
À l’ouverture du procès, un petit groupe de manifestants s’est rassemblé lundi devant le tribunal de Hong Kong, ont constaté des journalistes de l’AFP. Deux d’entre eux, qui scandaient «Libérez immédiatement tous les prisonniers politiques», ont déployé une banderole, sur laquelle était écrit «La répression est éhontée».
Un autre manifestant a été aperçu le poing levé en signe de solidarité avec les accusés. Un grand nombre de policiers ont été déployés à proximité. En outre, plus d’une centaine de personnes ont fait la queue devant le tribunal, certains pendant la nuit, dans l’espoir d’assister au début du procès. «Le procès montre le chemin que prend Hong Kong aujourd’hui», déplore Robin, 21 ans, étudiant en journalisme, devant le tribunal où il attendait depuis plus de 14 heures.
Les accusés, dont la plupart sont emprisonnés depuis près de deux ans, affirment qu’ils sont poursuivis pour avoir pris part à une action politique. Les défenseurs des droits humains et observateurs politiques soulignent, eux, combien ce procès illustre l’utilisation du système judiciaire hongkongais pour écraser le peu d’opposition qu’il reste dans cette ville, depuis la répression des manifestations pro-démocratie de 2019.
Il s’agit de la plus grande affaire judiciaire à ce jour en vertu de la loi de sécurité nationale qui a brisé toute dissidence dans la métropole, à l’instar de la législation en Chine continentale. La Chine affirme que ce texte législatif était nécessaire pour calmer les immenses manifestations, qui ont donné lieu à des affrontements, parfois violents, entre les forces de l’ordre et les manifestants.
«Représailles»
Les 47 accusés, dont un juriste et d’anciens députés, encourent la prison à vie s’ils sont reconnus coupables de «complot en vue de commettre un acte de subversion». Seize d’entre eux ont déjà plaidé non coupable. Les personnes jugées représentent un large éventail de l’opposition hongkongaise – depuis l’éminent juriste Benny Tai jusqu’aux anciens élus tels que Claudia Mo, Au Nok-hin et Leung Kwok-hung, en passant par de jeunes militants pro-démocratie comme Joshua Wong et Lester Shum.
Tous ont été conjointement inculpés en mars 2021 de «complot en vue de commettre un acte de subversion» pour avoir organisé, un an plus tôt, une élection primaire officieuse destinée à sélectionner des candidats de l’opposition en vue des législatives.
Leur objectif déclaré était alors d’obtenir une majorité au sein de l’assemblée partiellement élue de la ville, afin d’opposer leur veto aux budgets et de forcer potentiellement à la démission la dirigeante pro-Pékin de Hong Kong alors en place, Carrie Lam.
Les autorités de Hong Kong les accusent d’avoir tenté de renverser le gouvernement pro-Pékin de la ville. En dépit des avertissements officiels, plus de 610’000 personnes ont voté aux primaires, soit près d’un septième des habitants de Hong Kong en âge de voter. Les autorités ont finalement renoncé à l’élection de l’assemblée hongkongaise et Pékin a instauré un nouveau système politique qui contrôle strictement les candidats au pouvoir.
«Il s’agit de représailles contre tous les Hongkongais qui ont soutenu le camp pro-démocratie», souligne à l’AFP Eric Lai, membre du Center Hong Kong for Asian Law de l’université de Georgetown, à propos du procès. «Pékin va tout faire –même armer les lois et le tribunal– pour s’assurer que la politique démocratique à Hong Kong ne puisse pas dépasser les lignes qu’elle a tracées».
Test pour le système judiciaire
Les analystes judiciaires et politiques suivent de près ce procès, qui représente un test majeur pour l’indépendance et l’État de droit de Hong Kong. Il se déroule en audience publique, mais sans jury, ce qui constitue une entorse à la tradition de common law de Hong Kong.
Quelques semaines avant l’ouverture du procès, le président de la Cour suprême de Hong Kong, Andrew Cheung, a ferraillé contre les accusations de politisation du système judiciaire.
«Si, inévitablement, la décision du tribunal peut parfois avoir un impact politique, cela ne signifie pas que le tribunal a pris une décision politique», juge Andrew Cheung. Ronny Tong, avocat chevronné, a déclaré qu’il avait confiance dans le «système judiciaire très indépendant» de la ville. «Si des gens devaient commettre un crime, ils seraient punis — cela n’a rien à voir avec les inclinations politiques», assure-t-il à l’AFP.
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