Les députés allemands ont approuvé jeudi une série de mesures visant à durcir la politique migratoire du pays, alors que le nombre de demandeurs d’asile a fortement augmenté en 2023. En ligne de mire du gouvernement : accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés.
Après la France et le Royaume-Uni, c’est au tour de l’Allemagne de durcir encore un peu plus sa politique migratoire. Le Bundestag, équivalent de l’Assemblée, a adopté jeudi 18 janvier un projet de loi afin d’accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés vers leur pays d’origine.
« Nous veillerons à ce que les personnes qui n’ont pas le droit de rester dans notre pays soient obligées de le quitter plus rapidement », a déclaré la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, à propos de ce texte qui vise à « expulser de façon plus rapide et plus efficace ».
"Wir schützen Menschen, die vor Krieg und Terror fliehen. Und wir zeigen gleichzeitig Haltung und Härte, wo es notwendig ist."
Bundesinnenministerin @NancyFaeser zum Gesetz für mehr und schnellere Rückführungen, das heute im #Bundestag verabschiedet wurde.— Bundesministerium des Innern und für Heimat (@BMI_Bund) January 18, 2024
Pour ce faire, les députés allemands ont approuvé le rallongement de la durée maximale de détention des étrangers en situation irrégulière. Désormais, les sans-papiers pourront être retenus 28 jours, contre 10 avant la loi, dans le but de donner plus de temps aux autorités pour organiser les expulsions.
Plus de pouvoirs donnés à la police
Par ailleurs, les mesures adoptées donnent à la police de nouveaux pouvoirs pour rechercher les personnes sommées de quitter le pays et pour établir l’identité des migrants. Dorénavant, les agents sont autorisés à pénétrer dans les chambres des logements partagés pour interpeller une personne en situation irrégulière – avant, ils pouvaient uniquement entrer dans la chambre de la personne concernée.
La loi s’attaque aussi aux réseaux de passeurs : elle prévoit des sanctions plus sévères pour le trafic d’êtres humains, que les aides au passage soient rémunérées ou non.
Toutefois, elle contient des dispositions limitant les poursuites à l’assistance sur terre, protégeant, selon le gouvernement, les ONG qui aident les migrants en mer.
Le gouvernement estime que cet arsenal juridique entraînera 600 expulsions supplémentaires par an. Nancy Faeser a observé qu’une mise en œuvre plus ferme de la politique existante avait entraîné l’année dernière une augmentation de 27% des expulsions, pour atteindre le chiffre de 16 430.
Hausse de 50% des demandes d’asile en 2023
Renvoyer plus de personnes déboutées du droit d’asile dans leur pays d’origine permettra de libérer des ressources pour ceux que l’Allemagne doit accueillir, a assuré la ministre. « Ceux qui fuient la guerre et le terrorisme peuvent compter sur notre soutien », a ajouté Nancy Faeser.
La hausse de plus de 50% des demandes d’asile en Allemagne l’an dernier – plus de 329 000 demandes ont été enregistrées en 2023 -, couplée à l’accueil d’un million de réfugiés ukrainiens, met à l’épreuve les capacités des collectivités locales (Länder) qui ont tiré la sonnette d’alarme.
La situation profite également au parti d’extrême droite l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), en forte progression dans les sondages.
Fin 2023, le gouvernement allemand avait également décidé de réduire les aides financières versées aux demandeurs d’asile. Selon le ministre des Finances, le libéral Christian Lindner du parti FDP, cette mesure fera économiser un milliard d’euros. Elle permettra « non seulement de soulager les États et les municipalités », mais aussi de « réduire l’attrait de l’État-providence allemand », avait-il alors indiqué sur X (ex-Twitter).
Critiques des associations
Les défenseurs des droits sont vent debout contre ces nouvelles dispositions. « Nous sommes horrifiés à l’idée que des personnes en fuite et ceux qui leur offrent une aide humanitaire puissent être menacés de peines de prison », a déclaré l’association de sauvetage en mer SOS Humanity.
Pour Sea-Watch, « l’AfD n’a pas besoin d’être au gouvernement, il suffit que celui-ci lui cède ». « Contrairement à l’AfD, le gouvernement fédéral n’a pas besoin d’une réunion secrète pour discuter de la privation massive des droits, il la propose sous forme de loi », tance l’ONG de sauvetage en Méditerranée sur X (ex-Twitter).
Bundestag beschließt “Rückführungsverbesserungsgesetz“:
• massenhafte Entrechtung von Menschen
• Solidarität an den Grenzen kann zu Haft führen
• Seenotrettung von Kindern ebenso
Dafür braucht es also keine AfD in der Regierung. Es reicht wenn die Regierung vor ihr einknickt. pic.twitter.com/3xYbMh2xt7— Sea-Watch (@seawatchcrew) January 18, 2024
Sea-Watch fait référence à la révélation la semaine dernière d’une réunion secrète, qui s’est tenue en novembre, entre des membres de l’AfD, des néonazis et des entrepreneurs pour discuter de la mise en place d’un plan baptisé « Remigration » : un projet de déportation massif des demandeurs d’asile, des étrangers avec des titres de séjour et des citoyens considérés comme « non assimilés » du territoire allemand.
Le cofondateur du Mouvement identitaire autrichien (IBÖ) Martin Sellner y a présenté un projet pour envoyer vers l’Afrique du Nord jusqu’à deux millions de personnes, affirme le média d’investigation Correctiv.
Depuis ces révélations, des milliers de personnes manifestent chaque soir en Allemagne contre l’extrême droite accusée de miner la démocratie. « Nous ne laisserons pas les Nazis voler notre ville », « tous ensemble contre le fascisme », « contre l’AfD et la folie nationaliste » scandent les participants lors de ces marches pacifiques.
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