La destruction de mines de charbon et l’arrêt de certaines centrales électriques en Ukraine poussent le pays à chercher d’autres solutions pour se fournir en énergie: la transition énergétique vers les éoliennes et panneaux solaires « va arriver plus vite que prévu », assure le ministre ukrainien de l’Energie, Guerman Galouchtchenko.
Lorsque l’armée russe est rentrée en Ukraine il y a deux ans « leurs tanks ont détruit onze mines de charbon », explique M. Galouchtchenko, rencontré par l’AFP en marge du sommet de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) cette semaine à Paris.
« Ils l’ont fait exprès » pour affaiblir les capacités productives et énergétiques de l’Ukraine, « et on ne les remettra pas en activité ».
Aujourd’hui, il ne reste que « quatre à cinq mines de charbon encore en activité » dans le pays, et en pleine guerre, l’Ukraine est parvenue à développer d’autres formes d’énergie, solaire et éolienne notamment, plus propres et moins émettrices de CO2, souligne le ministre.
– Supprimer le charbon –
Par ailleurs, « il y a huit centrales électriques thermiques dans les territoires non occupés par les Russes, dont sept sont opérationnelles et fonctionnent toutes au charbon, mais peuvent aussi produire de l’électricité à partir de gaz si nécessaire » précise-t-il. Trois centrales thermiques ont été rendues inutilisables par la guerre depuis 2022.
A terme, « nous voulons supprimer le charbon bien sûr » pour des raisons climatiques, ajoute le ministre. « La transition va arriver plus vite que prévu en raison de la guerre », selon lui.
Contrairement aux « constantes » coupures d’électricité de la première année de guerre, l’Ukraine parvient à mieux éviter les ruptures d’approvisionnement électrique cet hiver, indique M. Galouchtchenko.
Même si le pays a dû être parfois contraint d’importer de l’électricité, il « répare très vite » lorsque des centrales sont mises à l’arrêt, notamment grâce au soutien financier européen et international au secteur énergétique.
L’Ukraine a une « capacité de production électrique de 18 gigawatts par jour » actuellement, grâce aux neuf réacteurs nucléaires encore en activité (dans trois centrales, NDR), depuis l’occupation par les Russes de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, celle de Zaporijjia, composée de six réacteurs tous mis à l’arrêt. « Ce qui est assez pour fournir de l’électricité même aux heures de pointe » dit-il.
« Nous arrivons à la fin de l’hiver sans restriction majeure pour les clients, c’est une bonne nouvelle, et cela permet aussi la croissance de l’économie », complète-t-il.
Selon l’Institut français de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) qui assure un suivi hebdomadaire des centrales nucléaires ukrainiennes, interrogé en parallèle par l’AFP, un « accident de fusion du coeur de la centrale » est « toujours possible » à Zaporijjia, notamment en cas de rupture d’approvisionnement électrique ou d’eau pour alimenter les circuits de refroidissement.
– Nouveaux réacteurs nucléaires –
« Mais les conséquences radiologiques seraient beaucoup plus limitées que si les réacteurs étaient encore en service », a indiqué Karine Herviou, directrice adjointe de l’IRSN.
Dans le même temps, l’Ukraine met l’accent sur les champs éoliens ou solaires.
L’an dernier, l’Ukraine a construit « environ 200 megawatts » de capacité de production d’énergie éolienne, et « environ 150 megawatts » de capacité de production solaire nouvelle. « C’est peu », mais « je peux dire que c’est en raison de la guerre », dit M. Galouchtchenko.
A terme, pour répondre aux besoins européens en hydrogène vert ou décarboné, produit à partir d’électricité renouvelable ou nucléaire, l’Ukraine estime pouvoir être en mesure de produire « 3 à 5 millions de tonnes d’hydrogène » par an.
« La question qui demeure, la plus difficile, est celle du transport de l’hydrogène » vers l’Europe (…), « mais je suis sûr qu’une solution pourrait être trouvée » souligne-t-il, « nous avons même signé des accords sur l’hydrogène avec les Etats-Unis ».
Se projetant dans l’avenir, le ministre met en exergue les capacités foncières « énormes » pour des projets de ce type, « par exemple sur des terrains agricoles rendus inutilisables » pour les cultures par les pollutions et destructions des combats.
L’Ukraine prévoit aussi de construire de nouveaux réacteurs nucléaires pour compenser l’absence de Zaporijjia.
Le pays a annoncé « quatre nouveaux réacteurs » dans sa centrale de Khmelnytsky à l’ouest du pays. Deux réacteurs de conception russe « de type VVER-1000 » seraient achetés « à la Bulgarie », et deux autres « de type AP-1000 » viendraient de l’entreprise américaine Westinghouse.
Certains experts restent cependant sceptiques envers ce projet, estimant qu’aucun nouveau réacteur ne pourrait être opérationnel avant dix ans au plus tôt et jugeant ceux de Bulgarie trop vétustes.
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