La Pologne va réintroduire une zone tampon à la frontière avec la Biélorussie

La frontière polono-biélorusse bientôt cantonnée aux forces de l’ordre.

En début de semaine prochaine, Varsovie va réintroduire une zone tampon de 200m à cet endroit, a déclaré mercredi 29 mai le Premier ministre Donald Tusk.

Une décision similaire avait été appliquée en novembre 2021 par le précédent gouvernement nationaliste Droit et Justice (PiS), alors que des milliers de personnes tentaient d’entrer dans le pays.

La population, les ONG ou encore les journalistes avaient interdiction d’y pénétrer.

À l’époque, des défenseurs des droits de l’Homme et des membres de la Coalition civique (KO) de Donald Tusk avaient critiqué cette décision, estimant qu’elle entravait les efforts des travailleurs humanitaires visant à aider les migrants, notamment les femmes et les enfants.

La région frontalière de Podalski concentre les passages de migrants depuis la Biélorussie. Crédit : Google Maps

Le renouvellement de cette zone tampon survient au lendemain de l’agression par arme blanche d’un garde-frontière près du village de Dubicze Cerkiewne. Selon Euractiv, l’agent a été poignardé à la cage thoracique à travers la barrière métallique, par « une sorte de lance faite d’un couteau et d’un long bâton ».

Il a été transporté à l’hôpital dans un état grave. L’assaillant, qui se trouvait côté biélorusse, n’a pas été arrêté.

« Les soldats et autres officiers défendent notre frontière au péril de leur vie », a réagi Donald Tusk, qui s’est rendu mercredi matin à la frontière en compagnie des ministres de la Défense et de l’Intérieur. « L’armée, les garde-frontières et la police peuvent compter sur mon plein soutien, a-t-il ajouté.

Je suis impressionné par votre courage, votre professionnalisme et votre dévouement ».

Depuis 2021, des milliers d’exilés tentent, chaque année, de gagner l’Union européenne (UE) via cette route migratoire partant de Russie ou de Biélorussie.

Mais ces dernières semaines, le nombre de migrants tentant de traverser illégalement la frontière est en augmentation, d’après les autorités. Et les incidents entre exilés et gardes se font plus nombreux.

Une vidéo prise par un migrant et diffusée actuellement sur les réseaux sociaux montre des membres des forces de l’ordre frapper violemment un exilé à terre, sans défense, avec des matraques. D’après un humanitaire sur place contacté par InfoMigrants, cette vidéo a été tournée le 27 mai dans la soirée, au repère 333, près du village là aussi de Dubicze Cerkiewne.

« Aucune limite » pour la sécurisation de la frontière

En réponse à la situation, le ministre de la Défense, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, a déclaré que la Pologne était prête à augmenter le nombre de soldats stationnés à la frontière, sans préciser l’ampleur de cette hausse. Près de 5 500 militaires sont actuellement déployés dans la zone.

La Pologne prévoit aussi de dépenser 10 milliards de zlotys (2,55 milliards de dollars) pour renforcer sa frontière avec la Biélorussie.

Cette approche sécuritaire est critiquée par des ONG et membres de l’opposition, déçus que le Premier ministre pro-européen élu en novembre dernier applique la même méthode que ses prédécesseurs conservateurs. Le 11 mai, Donald Tusk s’est rendu une fois de plus à la frontière et a rencontré des soldats, des garde-frontières et des policiers.

Lors de son discours, il a promis qu’ « il n’y aurait aucune limite [aux dépenses] en matière de sécurisation de la frontière ».

Il a également annoncé que le gouvernement avait commencé « des travaux intensifs pour [construire] des fortifications modernes le long de toute la frontière polonaise », où « nous sommes confrontés à une guerre hybride en développement ». Depuis le début des passages à cet endroit, Varsovie et Bruxelles accusent en effet la Biélorussie d’organiser les arrivées de migrants pour faire pression sur l’UE.

« Pushbacks » légaux

En octobre 2021, en réponse à Minsk, la Pologne a légalisé les refoulements de migrants vers la Biélorussie, une pratique pourtant contraire au droit international. Depuis, ces « pushbacks » sont légion à la frontière.

Difficile de savoir si, dans ces conditions, les droits des candidats à l’exil sont respectés.

« Parfois, les gardes leur font signer un papier en polonais, qu’ils ne comprennent pas, sur lequel il est écrit ‘je ne souhaite pas demander’ l’asile, a déploré Kaja, de l’ONG POPH. Et ils sont alors refoulés en Biélorussie ».

Azzedine, un migrant soudanais installé à Varsovie, a été ramené à huit reprises côté biélorusse, bien qu’il a, à chaque fois, demandé l’asile.

« Les garde-frontières frappent [les migrants], cassent les téléphones et nous aspergent de gaz dans les yeux, a-t-il raconté à InfoMigrants. Je ne m’attendais pas à subir ça. Moi, je voulais juste fuir la guerre, et trouver un pays qui me protège ».

infomigrants

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