12 500 personnes en situation irrégulière ont été appréhendées par les douanes et forces de l’ordre dans les zones frontalières suisses lors du premier semestre 2024. C’est un tiers de moins qu’en 2023. Une baisse due avant tout à des changements de routes migratoires.
Les entrées irrégulières sur le territoire suisse connaissent une forte baisse sur le premier semestre de 2024, avec un tiers de personnes interpellées en moins par rapport à l’année dernière.
Sur les six premiers mois de 2024, 12 500 personnes ont été appréhendées, enregistre l’Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières (OFDF).
Elles étaient près de 18 000 personnes a avoir été appréhendées sur la même période l’année dernière. Si certaines demandent l’asile en Suisse, la plupart, notamment des exilés afghans, cherchent d’abord à rejoindre des pays comme l’Allemagne ou la France.
Des records de passage en 2022 et 2023
Sur l’ensemble de l’année 2023, tout comme en 2022, les autorités avaient enregistré plus de 50 000 passages irréguliers chaque année, avec des entrées effectuées principalement par les frontières sud et est.
Soit plus du double par rapport à 2021, année marquée par l’épidémie de Covid-19, durant laquelle 18 900 passages avaient été enregistrés.
Durant ces années 2022 et 2023, les expulsions depuis les trains via des contrôles policiers étaient devenues « quotidiennes » dans les gares à la frontière sud ou dans celle de Saint-Gall au nord-est du pays, rappelle la télévision RTS.
Face à ces arrivées, la Suisse avait multiplié les annonces de coopérations pour contrôler ses frontières. Fin octobre 2023, les autorités helvétiques ont signé avec la France un plan d’action bilatéral, visant à créer des patrouilles communes des forces de l’ordre et à collaborer sur des renvois. La Suisse avait déjà fait de même, courant 2022 et 2023, avec l’Autriche ou encore avec l’Allemagne.
« Changement d’itinéraire dans les Balkans occidentaux »
Comment expliquer cette baisse en 2024 ? « D’abord, les débarquements dans le sud de l’Italie ont diminué de moitié », explique Reto Kormann, porte-parole du Secrétariat d’État aux migrations au micro de la RTS. Les exilés privilégient notamment le passage par l’Atlantique pour entrer sur le sol européen, avec la route maritime des Canaries.
Pour rappel, au cours du premier semestre 2024, plus de 19 250 migrants sont arrivés dans l’archipel espagnol à bord d’embarcations de fortune, contre près de 7 200 au cours de la même période l’année dernière, selon les données du ministère espagnol de l’Intérieur. Pourtant, cette route maritime est dangereuse et meurtrière : 4 800 migrants sont morts en tentant de rejoindre les Canaries par la mer de janvier à mai selon l’ONG espagnole Caminando Fronteras.
« L’autre raison, c’est un changement d’itinéraire dans les Balkans occidentaux », indique aussi le porte-parole du Secrétariat d’État aux migrations.
Les pays de transit sur la route des Balkans ont en effet durci leurs frontières. Fin 2022, la Hongrie, l’Autriche et la Serbie ont signé un plan de coopération entre leurs forces de l’ordre dans le but de diminuer le nombre d’arrivées dans leurs pays respectifs, mais aussi de soutenir la Serbie dans les expulsions de migrants vers leur pays d’origine.
Des initiatives se sont poursuivies de manière individuelle. L’Autriche a, par exemple, rétabli ses contrôles à la frontière avec la Suisse fin 2022. Récemment aussi, la Serbie a signé, le 25 juin 2024, un accord avec l’agence européenne de garde-frontières Frontex pour mener des opérations conjointes dans ses zones frontalières avec l’Albanie, la Macédoine du nord et le Monténégro.
Vers 10 % d’augmentation de la demande d’asile en 2024
S’agissant des demandeurs qui souhaitent rester en Suisse, en revanche, leur nombre ne diminue pas. Au contraire, même : en 2024, les demandes d’asile déposées en Suisse ont continué d’augmenter.
Le ministre de la Justice estime qu’à la fin de l’année 2024, on atteindra une augmentation de 10 % de la demande d’asile. En 2023, la Suisse enregistrait déjà plus de 30 000 demandes, un chiffre en augmentation puisqu’en 2022, elle n’en recevait que 24 511.
C’est cinq fois moins que son voisin français et dix fois moins que son voisin allemand. Mais suffisant pour saturer son réseau d’hébergement. Fin mai, le secrétaire d’État aux migrations a déclaré qu’il manquait 2 400 lits pour accueillir ces personnes en Suisse.
Pression sur le système d’accueil
Ce discours politique autour de la saturation du système d’accueil remonte déjà à plusieurs années. En octobre 2022, alors que près de 3 000 requérants avaient déposé leur demande d’asile pour ce seul mois, la secrétaire d’État aux migrations d’alors, Christine Schraner Burgener, avait souligné un « niveau jamais atteint depuis la Seconde Guerre mondiale ». Des lieux provisoires d’hébergement, dans des salles de classes par exemple, avaient été ouverts.
En Suisse, les Afghans sont, loin devant, les premiers exilés à demander l’asile, suivis des Kurdes en provenance de Turquie, des Érythréens et des Nord-africains. La procédure de demande d’asile peut durer un an, sauf en cas de procédure accélérée réduite à quelques jours (jusqu’à cent jours maximum).
Durant l’examen de leur dossier, les demandeurs d’asile restent dans des centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA), situés dans différents cantons du pays. Certains avaient été chargés au-delà de leurs capacités pour répondre aux besoins, comme à Neuchâtel, où le centre fédéral d’asile de Boudry accueillait, fin 2023, près de 900 personnes, au lieu des 480 lits habituels.
Pour rappel, la Suisse n’est pas membre de l’UE, mais elle est signataire des accords de Schengen, qui permettent la libre circulation entre les pays européens. Elle est également concernée par le règlement Dublin, selon lequel un demandeur d’asile doit déposer son dossier dans son premier État d’arrivée en Europe.
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