Deux jours après la nomination de son nouveau gouvernement, Élisabeth Borne présente, mercredi, son projet devant le Parlement. Faute de majorité absolue, elle n’engagera cependant pas sa responsabilité par un vote de confiance, au risque d’enflammer les oppositions et notamment l’alliance de gauche Nupes, qui déposera une motion de censure.
Deux mois et demi après la réélection d’Emmanuel Macron, place à l’action ? Élisabeth Borne vit, mercredi 6 juillet, son baptême du feu devant le Parlement, où elle va prononcer sa déclaration de politique générale, en quête de compromis mais sans demander une confiance que lui refusent déjà les oppositions.
Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, la Première ministre n’engagera pas sa responsabilité par un vote de confiance, au risque d’envenimer les débats qui suivront son discours à 15 h devant les députés, puis 21 h devant les sénateurs.
Le vote de confiance, conformément à l’article 50-1 de la Constitution, n’est pas obligatoire. À droite comme à gauche sept Premiers ministres sur 27 depuis 1959 ne l’ont pas sollicité.
Élisabeth Borne n’a surtout « pas le choix » selon le politologue Bruno Cautrès, car elle prendrait deux risques avec un vote : celui « de tomber », étant donné que le gouvernement ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée, ou celui d’obtenir la confiance grâce à l’abstention du RN.
Or « ce serait très mal perçu par l’opinion d’avoir un vote de confiance, même ric rac, avec l’abstention des RN », note une source gouvernementale. En outre, plusieurs députés ont été nommés ministres lundi, et leurs suppléants ne siègeront à l’Assemblée que dans un mois, privant d’autant de voix le camp présidentiel.
Lors de ce périlleux exercice, Élisabeth Borne exposera à la fois son style et son programme, au premier rang duquel figure le très attendu projet de loi sur le pouvoir d’achat.
« Présenter une base de travail avec le Parlement »
À travers les députés et les sénateurs, c’est aux Français que la Première ministre compte s’adresser. Comme une indication de sa volonté de prendre l’opinion à témoin, elle sera interviewée au 20 h de TF1.
Dans un contexte international marqué par la guerre en Ukraine, les problématiques énergétiques, de prix, les défis climatiques, et une situation nationale compliquée par l’absence de majorité absolue, l’objectif est de « présenter une base de travail avec le Parlement », « une méthode » pour « bâtir ensemble » des compromis, souligne son entourage.
La Première ministre va ainsi « tenir compte » des consultations menées avec les groupes politiques : « Il ne s’agit pas de convaincre son propre camp mais de trouver des compromis sans compromissions ».
Dramatisant les enjeux, Emmanuel Macron a demandé, lors d’une réunion mardi matin avec elle et les ministres concernés par le pouvoir d’achat, l’énergie et les finances publiques, de « tout mettre en œuvre pour protéger les Français en matière de prix » en évoquant une « quasi économie de guerre », a rapporté l’Élysée.
Pourtant, l’heure ne semble pas encore à la conciliation avec les oppositions, qui se cabrent déjà ou avancent chacune leur agenda.
Les quatre groupes de gauche à l’Assemblée nationale ont déposé mercredi leur motion de censure en signe de « défiance » à l’égard du gouvernement, juste avant la déclaration de politique générale. « En l’absence de vote de confiance », qui n’a pas été demandé par la Première ministre, « nous n’avons d’autre choix que de soumettre cette motion de défiance », justifient les groupes LFI, PS, écologiste et communiste dans leur texte remis à la présidence de l’Assemblée nationale et transmis à la presse.
« Cela mettra chacune et chacun face à ses responsabilités », faisait valoir plus tôt la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot.
La confiance se construira « patiemment texte après texte »
Mais les chances que la motion de censure soit adoptée sont minces. Le RN ne s’y associera pas. « On va prendre acte de ce qu'(Élisabeth Borne) va raconter. On va voir jusqu’où, nous, on peut faire monter nos propositions », selon son porte-parole Sébastien Chenu, qui demande une commission d’enquête sur l’inflation et la réintégration des soignants non vaccinés.
« On veut profiter de la situation pour obtenir des avancées », avance de son côté le patron des députés LR, Olivier Marleix, qui réclame des mesures « pour maîtriser la dépense publique » craignant un mouvement spéculatif contre la dette souveraine de la France.
Un député de la majorité attend lui de voir où Élisabeth Borne « va mettre le curseur », tout en saluant une femme « qui a beaucoup de solidité et plus de sens politique qu’on ne le dit ».
À défaut d’avoir pu constituer une coalition, la confiance se construira « patiemment texte après texte », selon le gouvernement, qui va mettre en avant celui du pouvoir d’achat, présenté jeudi en Conseil des ministres.
Côté style, la Première ministre a « consacré beaucoup de temps » à ce discours, où elle a mis « beaucoup de son parcours personnel », et de ses engagements en faveur du plein emploi, de la transition écologique ou de l’égalité, souligne son entourage.
Pupille de la nation devenue polytechnicienne, Élisabeth Borne a déjà raconté avoir emprunté l’ascenseur social, revendiquant en privé de ne pas venir « du tout du petit milieu parisien des fils de conseillers d’État » qui « ne sortent pas du périph ».
AFP