Vices et vertus d’un stylo « intelligent » testé en Chine

Il y a quelques mois, une collégienne chinoise expliquait qu’un professeur avait distribué à tous les élèves de sa classe des « stylos intelligents ». Le professeur Jean-Gabriel Ganascia, auteur du livre « Servitudes virtuelles », revient sur cet épisode.

élèves chinois
En juillet 2022, un professeur chinois a donné des « stylos intelligents » à ses élèves. Photo d’illustration.

En juillet 2022, une collégienne de la province du Hainan en Chine expliqua sur le réseau social Xiao Hong Shu que le professeur avait distribué à tous les élèves de sa classe des stylos intelligents de la marque « LePen » en exigeant qu’on les utilise pour les devoirs de vacances.

Des mouvements de stylo stockés sur le cloud
Munis d’une caméra, ces stylos enregistrent tous les déplacements de leur tête d’écriture sur le cahier d’écolier où ils se repèrent grâce à une matrice imprimée en filigrane, et quasi imperceptible à l’œil nu. Ces mouvements du stylo se transmettent ensuite par le réseau à l’équipe pédagogique avant d’être stockés sur le nuage (cloud).

Grâce à un logiciel programmé avec des techniques d’intelligence artificielle, l’enseignant sait combien de temps chaque élève a passé sur chacune des questions et dans quel ordre il les a traitées, ce qui lui permet d’assurer un suivi personnalisé et de mesurer, à tout instant, les progrès accomplis.

Une redoutable contrainte morale
Dans son message, la collégienne du Hainan se plaignait d’avoir eu ses vacances ruinées par le maudit stylo et la contrainte morale qu’il exerçait. Relayée par des congénères se trouvant dans la même situation, la nouvelle devint rapidement virale. Expérimenté à partir de 2021, lors de la pandémie de Covid-19, ce dispositif permettait de maintenir l’activité scolaire en dépit du confinement. Comment s’en plaindre ? Mais, le soir, le week-end ou en période de vacances, beaucoup le ressentent comme oppressant, même s’il améliore les acquis des élèves, ce qui reste à prouver.

Déjà, en 2019, les Chinois évoquaient la pose de capteurs d’ondes cérébrales sur le crâne des écoliers pour évaluer leur concentration en salle de classe. Certains argumenteront du risque de voir la France « décrocher » par rapport à la Chine pour justifier l’introduction de tels dispositifs dans les écoles de notre pays. On éprouve un froid dans le dos rétrospectif à l’idée qu’on aurait pu être contraint de la sorte et l’on se réjouit d’être né à une autre époque. Mais, saurons-nous préserver nos enfants et nos petits-enfants du stylo « LePen » ?

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