La cour d’appel de Paris examine mardi l’appel de Sophie Patterson-Spatz contre le non-lieu prononcé cet été en faveur de Gérald Darmanin, qu’elle accuse publiquement, depuis 2017, de viol remontant à mars 2009.
La chambre de l’instruction se penchera à partir de 10H30 sur ce dossier très sensible pour celui qui, depuis son accession au ministère de l’Intérieur, est honni par de nombreuses voix féministes qui considèrent anormale sa présence place Beauvau.
Selon des éléments de l’enquête obtenus par l’AFP, lors d’un rendez-vous en mars 2009, Sophie Patterson-Spatz, Française aujourd’hui âgée de 50 ans, a demandé à M. Darmanin, alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP, ancêtre de LR, un soutien pour la révision d’une condamnation de 2005 pour chantage et appels malveillants à l’égard d’un ex-compagnon.
Selon elle, il l’aurait invitée quelques jours plus tard à dîner, puis aurait insisté pour qu’elle l’accompagne dans un club échangiste et enfin dans un hôtel, lui faisant miroiter son possible appui, via une lettre qu’il s’engageait à rédiger auprès de la Chancellerie.
La plaignante et le ministre reconnaissent tous les deux un rapport sexuel.
Mais Sophie Patterson-Spatz estime avoir été contrainte de « passer à la casserole » avec M. Darmanin, se sentant « prise en otage » quand celui-ci, alors âgé de 26 ans, lui aurait dit: « Vous aussi, il va falloir m’aider ».
De son côté, le ministre de l’Intérieur affirme avoir « cédé aux charmes » d’une plaignante « entreprenante ».
Après avoir « occulté les faits » pendant plusieurs années, Sophie Patterson-Spatz aurait « suffoqué » en mai 2017 à l’annonce de l’arrivée de M. Darmanin au gouvernement d’Edouard Philippe.
Elle dépose une plainte pour viol. L’enquête est close à trois reprises par le parquet, puis par une magistrate instructrice.
Après de longs démêlés procéduraux, une nouvelle juge d’instruction place M. Darmanin sous le statut intermédiaire de témoin assisté fin 2020 et le confronte pendant neuf heures avec la plaignante début 2021.
Élément-clé du dossier, un SMS nocturne de Mme Patterson-Spatz neuf mois après la soirée litigieuse: « Abuser de sa position. Pour ma part, c’est être un sale con (…) Quand on sait l’effort qu’il m’a fallu pour baiser avec toi. Pour t’occuper de mon dossier ».
M. Darmanin répond rapidement: « Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner? »
– « Vie de jeune homme » –
Dans son ordonnance de non-lieu de juillet, la magistrate relève que « la sincérité des déclarations » de Sophie Patterson-Spatz quant à un viol « ne peut être remise en cause » mais « elle a délibérément choisi d’avoir une relation sexuelle avec lui dans le but de voir son affaire pénale rejugée ».
Selon la décision, Gérald Darmanin a « pu légitimement se méprendre sur les intentions » de la plaignante même si dans le fameux SMS, « il admet implicitement qu’il a pu profiter de la situation ».
Reste que « le droit ne se confond pas avec la morale », tranche encore la juge: Sophie Patterson-Spatz était selon elle « consentante au regard de la loi ».
Le parquet général a requis la confirmation du non-lieu, écartant « l’hypothèse d’accusations mensongères ou malveillantes » de Mme Patterson-Spatz, mais estimant qu »il ne peut être considéré qu'(elle) n’a pas consenti à l’acte sexuel du seul fait de la motivation de celui-ci ».
Pour Me Elodie Tuaillon-Hibon, le consentement de sa cliente « n’est pas établi et sa validité encore moins ». Elle évoque un « viol par surprise » et un rapport sexuel « extorqué », « ni libre, ni consenti ».
M. Darmanin doit selon elle « être mis en examen et renvoyé devant une juridiction de jugement » et « traité enfin comme n’importe quel mis en cause lambda ».
Le ministre de l’Intérieur a déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse. Ses avocats n’ont pas souhaité commenter.
« Il faut quand même mesurer ce que c’est que d’être accusé à tort, de devoir expliquer à ses parents ce qu’il s’est passé parce que, c’est vrai, j’ai eu une vie de jeune homme », avait-il justifié en juillet 2020 au journal La Voix du Nord.
Une habitante de Tourcoing (Nord) avait aussi accusé M. Darmanin de l’avoir contrainte à des relations sexuelles en échange d’un logement et d’un emploi. L’enquête a été classée en 2018.
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