Au Nigeria, la vaste réforme monétaire engagée depuis octobre entre dans sa phase finale. La Banque centrale a décidé de changer les anciens billets de 200, 500 et 1000 nairas. En théorie, les anciennes…
Cette réforme au Nigeria a entraîné des émeutes devant les banques. Dans les villes de Kano, d’Ibadan ou d’Abeokuta, par exemple, les habitants s’en sont pris aux banques, car ils n’arrivaient pas à changer leurs vieux billets contre des neufs.
« Les gens vont là-bas, ils font la queue dès cinq heures du matin dans l’espoir d’obtenir leur argent, raconte Ben Shemang, qui vit à Abuja. Mais à la fin de la journée, ils n’ont rien reçu. Ou alors parfois, ils sont surpris, car ils reçoivent des anciens billets à la place des nouveaux. Donc cela crée une situation chaotique. En plus, les banques ont peur de voir éclater des émeutes, et que des gens forcent la porte pour aller récupérer leur argent. »
Quatre mois pour changer les coupures quotidiennement employées par deux cents millions de Nigérians, c’était un peu trop ambitieux. La Banque centrale s’est pris les pieds dans le tapis. Incapable de fournir les nouvelles coupures en nombre suffisant, elle a aussi imposé des décisions contradictoires, comme cette interdiction de retirer plus de 20 000 nairas par jour, soit 40 euros environ. Pris dans la tourmente, le président de la Banque centrale a bien tenté de détourner les attaques en accusant les banques privées de ne pas distribuer assez vite les nouveaux billets. Pourtant, c’est bien lui le premier responsable de cette désorganisation.
Une réforme pour contrer l’inflation et moderniser le système bancaire
Se pose alors la question de savoir pourquoi le président de la Banque centrale a lancé une réforme aussi sensible en si peu de temps. La première raison invoquée est qu’il fallait aller vite pour combattre l’inflation qui gangrène le pays : 21% en 2022. La Banque centrale voulait réduire la masse de billets en circulation.
Seulement, Godwin Emefiele n’a pas été clair dans ses explications, comme l’explique Ikémésit Effiong, chercheur au cabinet de conseil « SBM intelligence » à Lagos : « Il a dit qu’il y avait trop d’argent liquide en circulation et qu’il voulait ramener l’argent au sein du système bancaire. Mais il n’a pas expliqué que cela impliquait de limiter la masse de liquide disponible pour les gens. Il n’a pas été clair sur ce point. »
Le deuxième motif invoqué est la volonté de moderniser le système bancaire. La Banque centrale veut que les gens utilisent davantage les paiements électroniques. Seulement, elle feint d’ignorer que des pans entiers du pays n’ont pas accès à des réseaux de qualité.
« Beaucoup de gens essaient de pallier le manque d’argent liquide en utilisant les transactions électroniques, précise Ikémésit Effiong. Mais du fait qu’il y a davantage d’utilisateurs pour ces paiements électroniques, beaucoup de transactions échouent. Les applications des banques ne fonctionnent plus et les gens n’arrivent plus à envoyer l’argent à leur famille ou aux commerçants. »
Un problème politique
Enfin, la dernière raison invoquée est la lutte contre la corruption, alors que le pays est en campagne pour élire un nouveau président, le 25 février prochain. Au Nigeria, les hommes politiques ont l’habitude d’amasser des trésors de guerre en liquide pour financer l’achat de votes, notamment. C’est ce phénomène que dit vouloir combattre le président Buhari. Seulement cette réforme ratée occulte tout le reste et a crispé le monde politique, opposition et majorité s’en sont pris aux dirigeants actuels.
Et le candidat du parti au pouvoir, Bola Tinubu, a affirmé que la Banque centrale, ainsi que des membres du camp présidentiel, essaient de saboter sa candidature. C’est donc clairement aujourd’hui un problème politique. Mais les sondages montrent que pour la majorité des citoyens, la sécurité, l’état général de l’économie, et en particulier l’emploi, sont les principaux sujets de préoccupation.
Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, cette réforme laissera des traces. La confiance des Nigérians envers le naira, ou envers leurs banques est au plus bas.
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